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Les silences du droit pénal : une mécanique du chaos ?

dans Criminocorpus

Auteur(s) : Zerouki, Djoheur

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2024-05-06T02:00:00Z
  • Notes
    • Par l’effet des diverses lois d’amnistie adoptées en Algérie, le droit pénal s’est montré particulièrement silencieux à l’égard des crimes coloniaux. Mais, dans sa mise en œuvre comme dans sa philosophie, l’amnistie instituée à la fin de la guerre d’Algérie n’est pas une amnistie comme les autres. Contournant les exigences constitutionnelles, l’exécutif se fonde sur la loi sur les pouvoirs spéciaux (l’état d’urgence) pour recourir à des mesures dérogatoires qui s’inscriront durablement dans l’appareil normatif postcolonial et réalise ainsi le tour de force politique de procéder à une véritable « auto-amnistie ». On peut alors difficilement affirmer que l’amnistie en Algérie ait été un instrument permettant de sortir d’un cycle de vengeance en réconciliant les vainqueurs et les vaincus, comme il est de tradition qu’elle le soit. L’exécutif, construisant sa propre amnistie au travers de celle des forces de l’ordre qu’il a commandées, détourne ainsi la philosophie du mécanisme destiné à organiser le retour à la paix sociale. En garantissant l’impunité des auteurs des crimes coloniaux, l’amnistie a instauré une omerta totale et l’impossibilité de remonter les chaînes de commandement. L’étouffement du droit pénal a bâillonné les victimes du conflit, entendues dans leur sens le plus large comme comprenant non seulement les personnes physiques mais également les sociétés algériennes et françaises sommées de se construire sans langage et sans mémoire et c’est cet étouffement du droit pénal, en particulier, qui est le socle de ce que l’on a pu appeler le « grand refoulement ». La Chambre criminelle n’était pas en reste puisque quelques années plus tard, en refusant - en substance - la qualification de crimes contre l’humanité aux tortures commises pendant la guerre d’Algérie, elle fermait définitivement la porte à la répression et les maintenait dans le giron de l’amnistie et de la prescription. Or, « l’amnistie » affirme Ricoeur, « en tant qu’oubli institutionnel, touche […] au rapport le plus profond et le plus dissimulé avec un passé frappé d’interdit. La proximité plus que phonétique, voire sémantique, entre amnistie et amnésie signale l’existence d’un pacte secret avec le déni de mémoire qui […] l’éloigne en vérité du pardon après en avoir proposé la simulation ». En outre, comme l’écrit Karima Lazali, « la part d’Histoire refusée par le politique se transmet de génération en génération et fabrique des mécanismes psychiques qui maintiennent le sujet dans une honte d’exister. L’émancipation du sujet passe par la libération du collectif qui se structure –aussi- autour du droit et de son récit.
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