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Giordano Bruno et Robert Burton : deux styles littéraires pour une épistémè baroque

dans Association Études Épistémè

Auteur(s) : Venet, Gisèle

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2018-10-30T01:00:00Z
  • Notes
    • Entre 1548, naissance de Bruno, et 1640, mort de Burton, la crise majeure de l’épistémè, qui voit s’ébranler la vision ptoléméenne d’un monde clos avec pour centre fixe la terre immobile, héritée d’Aristote, coexiste avec l’insurrection anticlassique dans la littérature. Des œuvres – dont celles de Bruno – en infraction aux règles d’Aristote et agiles à créer des effets de décentrements, à exacerber la poétique des antonymes ou des figures oxymores de la tradition pétrarquiste et de la voluptas dolendi se multiplient, favorisant l’expression, voire permettant la conception de réponses appropriées aux défis que lancent à la pensée mathématique et métaphysique l’héliocentrisme formulé par Copernic et son corollaire, le mouvement de la terre autour du soleil et sur elle-même, ou la coincidentia oppositorum de Nicolas de Cues et la possibilité de penser l’infini qui s’y attache. Le maniérisme des écrits de Bruno apparaît alors comme l’outil privilégié pour rendre manifeste la contradiction dans les choses par une poétique de la contradiction dans les mots qui à son tour permet à une pensée libérée de toute règle et de toute inféodation à des normes de concevoir non seulement les conséquences du décentrement de l’héliocentrisme mais la multiplication de systèmes solaires identiques dans un univers infini. Burton, sous le masque d’un Démocrite ambigu, fasciné par la pensée de Bruno et les nouvelles cosmologies, invente dans sa prose baroque en méandres l’écriture en liberté, la « digression », qui lui permet de s’élever au-dessus des humeurs, tributaires de la cosmologie d’Aristote, pour explorer d’autres cosmologies et débattre de toutes leurs conséquences, y compris un nouveau modèle de « monde à l’envers » de mondes multiples ou de chaos dans un univers infini. Bruno comme Burton nous contraignent à redonner à travers eux à la littérature, au phénomène esthétique, et en particulier à cette singularité du baroque et du maniérisme, son statut de métaphore épistémologique, comme si une force de conceptualisation était là en œuvre dans la forme même que s’imposent des auteurs par leurs choix d’écriture et la remodelait à son tour, avant même que des connaissances ou des concepts plus définitifs prennent place dans une philosophie des sciences pleinement assumée. Il s’agit bien de reconnaître à l’esthétique son plein statut d’épistémologie en acte dont trop d’études « culturelles » ou de pure épistémologie scientifique voudraient la dissocier.
  • Langues
    • Français
  • Droits
    • info:eu-repo/semantics/openAccess .
    • https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
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