«Il évitait de me regarder ; il était pourtant parfaitement conscient de ma présence, j'en étais certain. J'étais sûr même qu'il me regardait du coin de l'œil. Malgré la curiosité qu'il éveillait en moi, je commençais peu à peu à lui en vouloir vaguement de ses regards dérobés... Il ne m'avait pas seulement adressé la parole ! Et, en le constatant, j'éprouvai subitement le besoin de déstabiliser ce jeune homme, de lui infliger la torture d'un regard implacable. Je rivai donc mes yeux sur lui : s'il me cherchait, il me trouverait.»

Fools évoque la rencontre difficile entre l'instituteur Zamani, un ex-militant anti-apartheid de 55 ans rongé par la vacuité dans laquelle sa vie est tombée et un jeune inconnu, l'étudiant activiste Zani, qu'exaspèrent ceux qui ne partagent pas son sens de l'urgence. Dans le miroir-repoussoir que chacun tend à l'autre, ils vont apprendre à se reconnaître.

Njabulo S. Ndebele refuse de se complaire dans le spectacle de l'oppression. Il nous invite à la redécouverte littéraire de l'ordinaire. Loin de la littérature du slogan, cette longue nouvelle, parue en 1983, a rapidement été considérée en Afrique du Sud comme le manifeste d'une esthétique de la libération des Noirs.

Fools vient d'être porté à l'écran par Ramadan Suleman. Le film a obtenu le "Léopard d'Argent" au Festival de Locarno.