Antoine-Vincent Arnault (1766-1834) fut en son temps un dramaturge réputé, depuis Marius à Minturnes représenté en 1791 jusqu'à ce Germanicus qui provoqua, le 22 mars 1817, une émeute au Théâtre-Français et un affrontement violent entre royalistes et bonapartistes. Membre de l'Institut, secrétaire perpétuel de l'Académie française, bien connu pour ses Fables, qui eurent de nombreuses éditions, Arnault fut aussi de ceux qui approchèrent, dès 1797, le jeune général de la campagne d'Italie qui le chargea du gouvernement civil des Iles ioniennes.

Ses Souvenirs d'un sexagénaire, dans lesquels les historiens ont souvent puisé et qui s'étendent jusqu'au 18 Brumaire, auquel il prit part aux côtés du futur Napoléon, demeurent un témoignage irremplaçable sur le monde des lettres et des arts. Élève, au Collège de Juilly, de Fouché et de Billaud-Varenne, collaborateur de Méhul, ami intime de Talma qui interpréta la plupart de ses pièces, Arnault a connu de près auteurs, musiciens, comédiens et actrices sur qui il rapporte des anecdotes de première main, mais aussi la plupart des militaires et des hommes politiques à partir de 1789. Il a fréquenté la famille Bonaparte - Lucien était son ami intime - et tous les familiers de l'empereur. Ses Souvenirs sont bien des mémoires, non des confessions à la manière de Rousseau. Arnault ne parle de lui-même qu'à propos de ses oeuvres, mais il brosse un tableau large et fidèle de l'histoire et de la société des dernières années du XVIII^e siècle. Sainte-Beuve disait des Souvenirs : «Les portraits qu'Arnault a donnés des personnages de sa connaissance, et qu'il s'est amusé à tracer dans les années de sa vieillesse, sont animés de ces traits heureux et vraiment spirituels, qui sortent tout à fait du commun».