Faire l'Europe c'est toujours penser l'après-guerre. L'Europe commence là où la guerre a fait ravage. Mais entre volonté de contenir les démons du passé et affirmation d'une nécessité présente de la guerre comme forme d'action politique, le mot " Europe " ne peut pas, ne peut plus offrir comme seul horizon d'attente le maintien de la paix retrouvée, le refus de la guerre. Le mot " Europe " engage désormais une conception de la paix et de la guerre qui n'est autre qu'une conception de l'espace politique européen. Or, depuis les années 1980, la réflexion sur la paix, la guerre et l'après-guerre en Europe du nord-ouest en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, a été pour une part non négligeable dévolue aux musées d'histoire des guerres du XX^e siècle. D'importants financements ont permis de mettre en oeuvre de vastes machineries qui transforment la guerre en patrimoine et interpellent le public sur ce qu'il doit faire de cet héritage. Cependant, si ces politiques de mémoire complexes se développent parallèlement dans chacun des trois pays piliers de l'Europe, elles sont le fruit chaque fois de logiques nationales différentes. Chaque pays dispose de sa fiction d'Europe. Eclairer ces fictions racontées et mises en scène dans les musées conduit à comprendre, au-delà des acteurs de l'histoire et des alliances, en quoi Tony va-t-en guerre est un personnage adéquat à la tradition britannique qui s'écarte fondamentalement de celles de la France ou de l'Allemagne. Cette réflexion sensible à la croisée de l'histoire, de l'anthropologie et de la science politique cherche à saisir l'Europe en train de se faire au moment où la guerre internationale redevient un souci européen.