Les théories modernes sur la théâtralité n'envisagent guère le phénomène de ce qui est théâtral comme un concept interdisciplinaire pouvant être étudié en tant que tel, c'est-à-dire tant au théâtre que dans la société. Les ouvrages critiques de ces vingt dernières années, depuis Lire le théâtre d'Anne Ubersfeld (1977) jusqu'à Qu'est-ce que le théâtre ? de Christian Biet et Christophe Triau (2006), n'ont pris pour cadre de réflexion que le Théâtre en ses dedans, voire parfois « en ses dehors » (les spectacles de rue, le théâtre dans la ville et dans la culture), mais ne l'ont jamais véritablement étudié à partir de ses avatars sociaux, tels que les définit Erving Goffman dans The Presentation of the Self in Everyday Life (1959) - avatars qui tendent à suggérer qu'il existe des formes théâtrales indépendantes du Théâtre car participant de la vie civile, de la vie quotidienne.

Ainsi, avoir écrit au sujet de la théâtralité, ce n'est avoir abordé jusqu'ici « le Théâtral » que de biais, ou de manière insatisfaisante car incomplète.

Cet ouvrage s'attache donc à retracer les formes du Théâtral, hors du théâtre, tâchant d'en (re)trouver les codes et significations. Il explore plus particulièrement la société d'Ancien Régime qui a mêlé constamment le Theatrum Mundi au Mundus Theatri, et qui a joué habilement de la « présentation » de soi à travers l'esthétique de l'honnête homme. Il montre en définitive qu'il ne faudrait plus dorénavant définir le Théâtral à partir de la théâtralité, mais au contraire la théâtralité à partir du Théâtral.