Voies de chemin de fer au cœur du désert, plantations d'agaves sous le soleil brûlant, souches et racines échouées sur la plage, paysages désolés mais aussi musiciens et danseurs masqués, femmes et enfants, muletiers, pêcheurs et lavandières, dont le digne visage semble se mesurer à l'objectif : l'univers de Juan Rulfo est un Mexique double, à la fois ouvert et fermé, unique et multiple, immobile et comme au bord de l'explosion.

Parmi les quelque 6000 photographies que renferment les archives de Juan Rulfo, près de 200, pour la plupart inédites, ont été sélectionnées ici. Elles nous révèlent l'étonnante richesse d'une œuvre que Juan Rulfo a constituée peu à peu en parcourant sans cesse son «Mexique profond».

Nous découvrons ainsi la vocation de photographe de l'un des plus grands écrivains mexicains du XX^e siècle dont l'univers littéraire - citons ses plus célèbres romans, Pedro Paramo et Le llano en flammes - trouve un prolongement saisissant dans son œuvre visuelle.

Ses portraits du peuple mexicain et ses paysages témoignent d'une vision unique du monde, dont l'intensité et l'impressionnante beauté en font de véritables poèmes en images.

Portraits de déserts, de rocailles et de murs nus, les photographies de Juan Rulfo, désormais réunies, semblent néanmoins, au premier abord, être le témoignage d'une merveilleuse transparence liquide, comme s'il s'agissait de portraits d'eau. Comme si Rulfo se penchait hors des tombes de Comala pour découvrir la luminosité des ombres. Cependant cette pure beauté de lumière et l'évocation de Rulfo photographe ne nous invitent pas à un repos distrait. Avec Rulfo, il faut toujours être sur le qui-vive et s'interroger sur la cause de tant de calme, de beauté et de lumière. Il faudrait s'interroger également sur les ombres que recèle cette lumière, sur les inquiétudes qui se profilent derrière cette sérénité.