Les Films français des années 1920

Inventaire V

D'un bref récit imaginé par Balzac, L'Herbier tire une « marine » de la meilleure eau, dont les défauts apparents sont presque aussi énormes que les qualités, qui sont nombreuses. Il fallait du génie, rien de moins, la présence de comédiens de premier ordre et une sacrée maîtrise de la direction d'acteur, pour faire exister à l'écran sans verser dans le pathos, le grotesque ou les deux à la fois, les personnages-repoussoirs que sont les deux protagonistes masculins, le père tyrannique interprété par Roger Karl ne valant guère mieux que le fils, d'une veulerie à toute épreuve, personnifié par Jaque Catelain. Or, précisément, c'est peut-être, au-delà des qualités propres à une technique, à toute épreuve elle aussi, le regard profondément humain porté par le cinéaste sur ces loseurs même pas magnifiques, comme sur les personnages de la mère et de la soeur, tellement parfaites l'une et l'autre qu'elles en deviendraient presque insignifiantes si elles n'étaient interprétées par Claire Prélia et Marcelle Pradot (mère et fille à la ville), qui confèrent à l'ensemble une grandeur sans équivalent connu dans quasiment toute l'oeuvre muette - et même sonore - de L'Herbier cinéaste.
Armel De Lorme, à propos de L'Homme du large (Marcel L'Herbier, 1920).