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La destitution des intellectuels et autres réflexions intempestives


  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2010
  • Notes
    • Il fut un temps où l’intellectuel était un écrivain, un savant ou un philosophe qui intervenait dans les affaires de la cité, au nom d’une autorité morale fondée sur une œuvre importante, voire considérable, pour rappeler ses concitoyens ou le pouvoir à leurs responsabilités. D’Émile Zola à Michel Foucault, en passant par Albert Camus et Jean-Paul Sartre, et quelles que soient leurs divergences sur le rôle de l’intellectuel, tous correspondaient à ce modèle. Ce temps est révolu et ce, depuis le milieu des années 1970. Non qu’il n’y ait plus d’écrivains, de savants ou de philosophes, non qu’il n’y ait plus d’intellectuels intervenant dans la cité, mais parce qu’il y a désormais discordance entre les premiers et les seconds. L’œuvre n’est plus ce qui donne l’autorité. Quelque chose s’est donc passé: la découverte de la puissance des médias et en particulier de la télévision non seulement sur les plans de la politique, de la communication et du divertissement mais aussi sur le plan intellectuel. C’est là que les positions se sont changées en postures. L’apparence, la semblance, la mimique sont devenues des clés pour entrer sur la scène publique. L’essentiel n’est plus de faire une œuvre, mais de faire croire qu’on en a une. Les ego surdimentionnés peuvent cacher la vacuité de leur pensée. Mais ces intellectuels d’apparat n’ont pu s’emparer de l’espace public qu’avec la complicité de ceux qui avaient pour fonction de l’organiser: les journalistes. Ceux-ci sont devenus les voies de passage obligées et des instances d’accréditation des œuvres et de statuts. Les intellectuels sont ainsi devenus à leur tour des people comme les autres. Ils fonctionnent selon la loi générale de la «peoplisation»: plus on vous entend, plus on vous voit, plus vous êtes célèbre, plus vous êtes célébré, plus vous êtes un grand écrivain, un grand savant, un grand philosophe. Cette logique de la «peoplisation» a transformé les intellectuels en marionnettes dérisoires qu’on écoute éventuellement parce qu’ils ont leur place marquée dans le paysage audiovisuel. Tout le monde aura compris de qui je veux parler. Il serait de mauvais goût de ma part de citer qui que ce soit. L’espace public est désormais aux mains des bateleurs, des pantins à ressorts qui réapparaissent à chaque fois qu’un malheur frappe. Ils s’alimentent du malheur des autres. Ils en tirent de la jouissance et de la gloire. L’espace public est désormais saturé. Il n’y a plus de place pour vous ! D’ailleurs qui vous connaît ? Qui vous réclame ? Vous ne serez pas entendu ! Ceux qui refusent de se laisser prendre à ce marché de dupes se retirent silencieusement: ils enseignent, écrivent, cherchent ou font autre chose en cercles restreints et interviennent parfois dans la cité, mais localement, loin des grands prédateurs de l’espace public médiatique.
  • Langues
    • Français
  • ISBN
    • 9782130584179
  • Droits
    • copyrighted
  • Résultat de :
  • Quatrième de couverture
    • Pour dire en quelques mots cette destitution : l'intellectuel était traditionnellement un auteur (romancier, poète, philosophe, savant, ou autres) que son oeuvre dotait d'une autorité spirituelle susceptible de donner du poids à ses propos et à ses interventions comme citoyen dans la cité : interpellation du pouvoir, appel de celui-ci à la responsabilité, à la justice ou au droit, appel à l'opinion publique sur une question grave mais ignorée, etc. C'était un citoyen auquel son oeuvre donnait une autorité, parfois considérable.

      Aujourd'hui l'intellectuel est devenu un histrion sans oeuvre ni autorité, mais doté d'une place dans des réseaux de pouvoirs pour se maintenir dans la visibilité médiatique. Agis de telle sorte que tu continues à être visible ! Tel est son impératif catégorique, la loi qui commande ses faits et gestes.

      Comment ce changement s'est-il produit ? Cet essai tente de répondre à la question.


  • Tables des matières
      • La destitution des intellectuels et autres réflexions intempestives

      • Yves Charles Zarka

      • Presses Universitaires de France

      • La destitution des intellectuels7
      • Autres réflexions intempestives
      • Première partie
        Vérités intempestives
      • Abus de pouvoir 49
      • 1 - Qu'est-ce que tyranniser le savoir ?49
      • 2 - L'évaluation : un pouvoir supposé savoir57
      • 3 - Le souverain vorace et vociférateur77
      • Secrets percés 87
      • 4 - L'odyssée interminable de soi à soi87
      • 5 - Ce secret qui nous tient93
      • 6 - Le code introuvable99
      • 7 - Internet ou la révolution paradoxale105
      • Le mal radical 113
      • 8 - La pureté meurtrière113
      • 9 - Le mal et la pensée121
      • L'autre au miroir 129
      • 10 - Frontières sans murs et murs sans frontières129
      • 11 - Nationalité et citoyenneté135
      • 12 - De civilisation à civilisation141
      • 13 - L'islam et les Lumières147
      • Aux marges de la politique 155
      • 14 - Le prolétariat après Marx155
      • 15 - Wittgenstein et la place du politique163
      • 16 - Deleuze, la philosophie et la politique169
      • Deuxième partie
        Critiques
      • 1 - Campanella : utopie et politique179
      • 2 - Hobbes ou la logique du pouvoir183
      • 3 - Montesquieu : défendre la liberté, lutter contre la servitude191
      • 4 - Foucault politique : concepts mixtes et regard fulgurant197
      • 5 - Pierre Bourdieu en porte-à-faux : entre philosophie et sociologie201
      • 6 - Une fascination malsaine : Carl Schmitt en France207
      • 7 - Carl Schmitt : qu'en faire ?213
      • 8 - Habermas : l'État libéral et les religions219
      • 9 - Nathan Wachtel : modernité de l'Inquisition ?223
      • 10 - Pierre Rosanvallon : du trouble dans la légitimité227
      • 11 - Vincent Peillon ou de la dépression dans le socialisme231
      • 12 - Zizek-Badiou : les philosophes de la terreur235
      • 13 - Alain Badiou, philosophe manifeste239
      • 14 - Michel Onfray, un enfant de la télé243
      • Positions politiques247
      • 1 - L'arbitraire légal247
      • 2 - Mai 68253
      • 3 - Bonheur fin de siècle259
      • 4 - Les nouvelles servitudes265
      • 5 - Remède pour empêcher le pouvoir de tyranniser le savoir275
      • 6 - La tolérance279
      • 7 - Droits de l'homme, bons sentiments et aveuglement politique283
      • 8 - Sur l'Université287
      • 9 - Pour en finir avec le piège de l'identité nationale291

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