Cet article s’attache à retracer la provenance et la destinée de trois éléments d’architecture kanak, collectés par le pasteur Rey Lescure en 1931-1932 sur la côte est de la Nouvelle-Calédonie, pour le compte du Musée d’ethnographie du Trocadéro (MET) à la demande de Paul Rivet et Georges-Henri Rivière, alors à la tête du musée. Ils y acquirent le statut « d’objets-témoins » avant que le responsable des collections océaniennes, Charles van den Broek, décide de les utiliser comme monnaie d’échange en 1938-1939, au moment où le MET devient Musée de l’Homme. Il convient avec Serge Brignoni, un artiste surréaliste suisse installé à Paris, de les lui céder avec une autre sculpture contre six objets mélanésiens. Les sculptures kanak, qui intéressent leur nouveau propriétaire surtout pour leur valeur esthétique, intègrent alors une importante collection « d’art nègre ». Aujourd’hui conservées au Museo delle Culture Extraeuropee qui abrite la collection de l’artiste à Lugano en Suisse, elles retrouvent finalement un écrin muséal. À travers la biographie singulière de ces objets, nous analyserons les changements de statut des œuvres et les intérêts différents qu’elles suscitent au fil du temps, depuis leur création en Nouvelle-Calédonie jusqu’à leur exposition à Lugano en passant par Paris.