Une foisonnante production théâtrale et romanesque a été, à la fin de l’Ancien Régime, le lieu d’expérimentation d’un savoir de la différence culturelle qui apparaît comme le complément du paradigme naturaliste habituellement associé à l’anthropologie des Lumières. Nous proposons de relire en ce sens quelques épisodes de la réception anglaise et française, dans les dernières décennies du xviiie siècle, des premiers Tahitiens qui séjournèrent en Europe. Alors qu’elle a suscité une multiplicité d’interprétations fragmentaires, il s’agit de rétablir la complémentarité entre l’expérimentation sociologique destinée à produire un « naturel », la performance théâtrale qui associe le réalisme ethnographique au projet de conversion culturelle, et la fiction autobiographique qui invente la figure de l’ethnographe autochtone.