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De la traduction à la traductibilité : un outil d’émancipation théorique

dans ENS Éditions


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    • 2016-12-09T01:00:00Z
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    • Nous partons ici à la recherche du « leitmotiv » traduction-traductibilité en n’oubliant pas que Gramsci était « un révolutionnaire, un historiciste » et, en même temps, un étudiant bien formé en linguistique historique à l’université de Turin. Bien avant les années de prison, le point de départ est le débat sur l’espéranto auquel Gramsci participe en janvier 1918. On peut considérer l’idée de traduction des langues historiquement déterminées, à laquelle Gramsci donnera par la suite une grande importance, comme le négatif de tout « espérantisme ». Parallèlement, à partir de 1919, l’action politique révolutionnaire est toujours plus fréquemment présentée comme une forme de traduction. La métaphore de la traduction en Occident de l’expérience russe, que Gramsci présente, dès 1925 comme d’origine léniniste, lui servira cependant dans les Cahiers comme un outil d’émancipation théorique et politique vis-à-vis de l’expérience russe elle-même.Au niveau théorique, la pensée de Labriola est une autre des sources importantes de la centralité de l’idée de traduction. Le texte du marxiste napolitain qui indiquait la nécessité de reformuler le matérialisme historique en « philosophie de la praxis » insistait aussi sur celle de traduire « les armes et les façons de la critique » en les adoptant « de pays en pays ». Ce texte est évoqué dans une des toutes premières Notes de philosophie (Q4, § 3, mai 1930) décisive pour la réflexion sur la philosophie de la praxis comme traduction réciproque de philosophie et de politique. Cette réflexion s’appuie sur des textes de Marx (Thèses sur Feuerbach et Sainte famille) et s’approfondit en particulier en octobre-novembre 1930, mois cruciaux pour l’ensemble de l’élaboration politico-théorique des Cahiers. Gramsci repense le marxisme en partant de l’idée de traduction aussi bien pour combattre les schématismes qui tendent à y voir une division artificielle du réel entre noumènes économiques et apparences idéologico-politiques (Croce) que pour l’éloigner de toute réduction dogmatique à une logique abstraite ou à un « espéranto » théorique (Boukharine).En 1932 a lieu un nouvel et ultime approfondissement de la notion. Elle permet désormais de penser la « réduction » de toutes les philosophies « à un moment de la vie historico-politique » (Q10, II, § 6). Elle devient dès lors décisive pour comprendre le rapport de la philosophie de la praxis non seulement à la politique française mais aussi à la philosophie classique allemande et à l’économie de Ricardo. Parallèlement, en 1932 et 1933, dans ses lettres à Giulia et à Tania, Gramsci explicite sa conception de la tâche proprement politique du traducteur » qui doit toujours se servir du « langage historiquement déterminé » de la culture qui accueille un texte étranger.Au terme du parcours, la traductibilité apparaît comme l’outil conceptuel permettant de penser l’unité de la théorie et de la pratique qui pour Gramsci est le propre de la pensée de Marx et fonde la supériorité de la philosophie de la praxis sur toutes les autres philosophies.
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