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Entre affichage de la fraternité et visions inégalitaires : peuples frères, sauvages et dégénérés dans le discours des voyageurs et polygraphes français sur l’Istrie et la Dalmatie, 1789-1815

dans IHMC - Institut d'histoire moderne et contemporaine (UMR 8066)

Auteur(s) : Bertrand, Gilles

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2011-06-18T02:00:00Z
  • Notes
    • Si le Hongrois Jenó Szúcs a pu relire dans le sillage de son maître István Bibó l’histoire de l’Europe à la lumière d’une tripartition entre l’Occident, l’Europe de l’Est dominée par la Russie et, entre les deux, l’Europe du Centre-Est (Pologne, Bohème, Hongrie), certains espaces peinent à entrer dans ce schéma en raison de leur statut incertain ou contesté. C’est sur la perception de l’un d’eux, l’Istrie et la Dalmatie, qu’on s’arrête ici, à l’extrême fin du siècle des Lumières et à l’aube du XIXe siècle. Bien que les Français s’y soient rarement rendus et en aient peu parlé autant au cours de l’époque moderne qu’à celle des monarchies censitaires et jusqu’au Second Empire, ces régions ont suscité un intérêt politique et géostratégique fugace entre 1797 et 1809, qui a eu des retombées sur les discours tenus à leur propos. De Lavallée à Serieys, les polygraphes accompagnent l’entreprise d’artistes et de voyageurs comme Cassas ou Dimo Stephanopoli en caressant le besoin croissant de juger et hiérarchiser les peuples au nom d’une idée de progrès et de supériorité des uns par rapport aux autres. Tandis qu’à la fin du XVIIIe siècle l’Italie se prête tout particulièrement à la reconnaissance des traces de « dégénération », l’Istrie et la Dalmatie suscitent chez Lavallée une écriture qui oscille entre l’intention « civilisatrice » et l’observation ethnologique des populations qui y habitent. Mettant en contexte en 1802 dans un Voyage pittoresque et historique… soutenu par les autorités françaises les gravures tirées des dessins exécutés vingt ans plus tôt par Louis-François Cassas lors de son voyage en Istrie et Dalmatie, l’auteur du Voyage dans les départements de la France développe sur cet espace une véritable « micro-géographie » morale. Nostalgique de la pureté originelle des peuples et attentif aux résultats négatifs issus de la rencontre et du métissage, son propos s’écarte de la vision complaisante et fraternelle du Vénitien Fortis, qu’il radicalise en ôtant par exemple aux Haiduks toute humanité. Ainsi, dans les futures provinces Illyriennes (1809-1813) à peine soustraites à la domination vénitienne, se construit à l’instar de ce qu’a observé D. Nicolaïdis pour la Grèce une relation singulière entre le présent et le passé, non moins qu’une opposition entre les zones placées au cœur de la civilisation moderne et d’autres devenues périphériques parce qu’elles ne détiendraient que des ruines ou les « débris » de civilisations anciennes.
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