Si certains auteurs considèrent que le départ de près d’un million quatre cent mille Portugais vers l’Europe, entre 1960 et 1974, a favorisé l’émergence de la démocratie au Portugal, il n’en reste pas moins que les migrants sont presque toujours dépeints comme des non-acteurs de l’Histoire. Cette lecture découle pour partie d’une interprétation négative de l’émigration, faisant de celle-ci l’alliée du régime autoritaire portugais. Cette analyse occulte de ce fait l’inscription de cette mobilité dans le répertoire de protestation des classes populaires portugaises. Cet article s’attache à nuancer ces analyses et à insérer l’émigration dans les formes de protestation qui restaient à la portée des classes populaires sous la dictature. Il s’agit également de décrire comment cette mobilité a permis la circulation d’idées, de façons de voir et comment elle a suscité des insatisfactions qui ont permis l’émergence et surtout la consolidation de la démocratie.