Le jugement prononcé par le Tribunal constitutionnel fédéral (TCF) le 30 juin 2009 (affaires liées 2 BvE 2/08 et autres) apporte, quant au fond, la réponse attendue. A l’unanimité, les juges de la 2ème chambre considèrent en effet que la Loi d’approbation du Traité de Lisbonne comme la Loi de modification de la Loi fondamentale afférente sont compatibles avec la Loi fondamentale. Ils avaient toutefois à statuer également sur la conformité avec la Constitution de la Loi sur l’extension et le renforcement des droits du Bundestag et du Bundesrat relatifs aux affaires relevant de l’Union européenne. Or, en la matière, les juges de Karlsruhe ont constaté une violation de la Loi fondamentale (LF), dans la mesure où cette loi d’extension ne conférait pas au Bundestag et au Bundesrat les droits afférents dans l’ampleur requise par la Constitution. Ils arrêtèrent donc que, tant que ces droits n’auront pas été redéfinis par la loi dans le respect de la Constitution, l’acte de ratification du Traité de Lisbonne par la République fédérale ne pourra pas être déposé.De ce fait, le jugement rendu par le Tribunal constitutionnel fédéral prend une triple dimension politique : une dimension européenne d’abord, en particulier en ce qui concerne le droit primaire de l’Union européenne et sa mise en œuvre ; ensuite, une dimension constitutionnelle nationale, principalement en ce qui concerne le principe de séparation des pouvoirs et les fondements de la démocratie ; enfin, une dimension croisée axée sur l’interaction entre l’évolution de l’UE et le droit constitutionnel allemand, dans l’optique de leur intégration mutuelle.Les attendus de ce jugement (adoptés quant à eux à 7 voix contre 1), généreusement détaillés (421 alinéas) tout en étant très clairement structurés et scientifiquement argumentés, relèvent d’une réflexion théorique approfondie sur l’Etat, même s’ils sont en partie tirés par les cheveux et parfois même redondants. Par ces attendus, le TCF approfondit en effet sa lecture du principe démocratique dans le cadre de l’accélération du processus d’intégration européenne et, en harmonie avec la littérature juridique sur le droit européen, reconnaît très judicieusement dans ce contexte les avancées qu’apporte le Traité de Lisbonne, tant en ce qui concerne ses orientations générales que le détail de ses dispositions. Et, ce qui est inhabituel par rapport à l’acte judiciaire proprement dit, à savoir statuer sur le litige dont il avait été saisi, le TCF apporte dans ses attendus de nombreuses considérations d’une portée plus générale, parfois même d’ordre doctrinal – en particulier sur l’évolution et l’essence même de l’UE, sur les fondements de la démocratie et les modèles de leur mise en œuvre, sur l’identité constitutionnelle, ainsi que sur d’hypothétiques constellations de conflits d’intérêts entre la progression de l’intégration communautaire et le droit constitutionnel allemand. Nous concentrerons notre analyse sur quatre points principaux : les dispositions de la Loi fondamentale sur lesquelles reposent les attendus (1), l’application de ces critères au droit primaire de l’UE tels qu’il a été révisé par le Traité de Lisbonne (2), ainsi que le rôle du Bundestag et du Bundesrat en matière d’affaires européennes (3) et, enfin, dans l’hypothèse de conflits futurs entre une UE en évolution et la Loi fondamentale, le rôle imparti au TCF.