20 ans après l’Unité, l’Allemagne est sans conteste le marché médiatique de loin le plus dynamique d’Europe. Mais alors que, dans les autres branches ou secteurs de l’économie, le processus d’unification s’effectuait somme toute sans difficultés majeures puisque les lois présidant à l’activité ne diffèrent que peu dans le monde, et qu’il suffit au fond de servir intelligemment l’offre et la demande, l’Unité médiatique de l’Allemagne avait tout d’une gageure. Car c’est dans le ‘secteur’ des médias que s’exprimait dans sa version la plus pure la partition du monde en deux systèmes politiques et idéologiques antagonistes : en une démocratie et une dictature. Les deux Allemagne étaient en guerre, du moins par ondes interposées, seules armes franchissant le Mur en 1989. La libération du contenu – de l’information, des programmes – était une chose. La démocratisation de la presse s’est rapidement accomplie en RDA durant la « révolution pacifique », aussi sous la pression d’un besoin de libre expression trop longtemps muselé. Mais de là à concevoir pour l’audiovisuel public des structures institutionnelles correspondant aux missions démocratiques des médias, et à les rendre de surcroît pérennes, il y avait un monde. Bien que prévue dans le Traité d’unification, l’unité des radios et TV publiques mit longtemps à se faire.Certes, le modèle ouest-allemand, qui avait fait ses preuves (voir dans ce numéro la contribution d’U. Kammann), s’imposera à l’est aussi, devenant celui de toute l’Allemagne. Mais à l’époque de la chute du Mur, ce modèle subissait lui-même de profondes mutations. Au plan réglementaire, le marché audiovisuel venait de s’ouvrir à des opérateurs privés, ce qui créait une situation de concurrence nouvelle. Au plan technique, on voyait se multiplier les vecteurs avec l’extension du réseau câblé et la réorganisation des fréquences hertziennes qui permettaient progressivement aux jeunes chaînes privées de se développer. Mais c’est à la veille de la chute du Mur, à la fin août 1989, qu’allait se déclencher une révolution dont on n’a pas, à l’époque, réellement entrevu la portée, tant les esprits furent accaparés au même moment par les prémisses de la chute du Mur : le lancement du premier satellite Astra. L’extension brutale du marché (ouest) que déclencha la chute du Mur, conjuguée à la démultiplication soudaine des vecteurs (satellite), a créé un formidable appel d’air, brouillant toutes les positions établies. Et c’est dans ce contexte en plein mouvement que se posait la question de l’unification de structures publiques de l’audiovisuel longtemps ennemies. Autant dire que les négociations furent mouvementées…