Pour quelles raisons Michel Houellebecq n’est-il jamais vraiment devenu un écrivain de science-fiction ? Une partie au moins de la réponse relève ici d’une réflexion stratégique, Houellebecq cherchant à échapper à ce qu’il estime être l’impasse de la littérature de genre, au sein de laquelle la science-fiction, de surcroît, lui semble en déclin. Mais il est évident que l’œuvre de Houellebecq est sans cesse travaillée par l’influence de la science-fiction. Je poserai dans cette perspective deux hypothèses. La première, c’est le roman houellebecquien creuse l’écart permettant de nous rendre étrangers à notre propre monde en soulevant des leviers comparables à ceux du cognitive estrangement (Suvin). La seconde, c’est que cet effet de mise à distance relève directement, chez Houellebecq, de la poésie. Et à travers la poésie, c’est, on le verra, la question de la naissance de l’émotion dans le genre science-fictionnel que pose le roman houellebecquien.