Le rejet du darwinisme, l’adhésion à une représentation de l’origine des espèces marquée par le créationnisme et la foi religieuse sont considérés dans beaucoup d’enquêtes comme des attitudes étroitement liées l’une à l’autre. L’objectif du présent article est de montrer que ce schéma explicatif doit être révisé. Les représentations des espèces vivantes n’obéissent pas à une logique binaire fondée sur l’opposition entre foi et raison, religion et science. Pour le montrer, nous présentons ici une comparaison entre deux terrains a priori fort contrastés : la France et le Maroc. Cette enquête fait également ressortir une caractéristique majeure de ces croyances, négligée dans les investigations sur ce thème : elles sont souvent intrinsèquement floues, parce que beaucoup d’individus ont vis-à-vis de cette question – l’origine des espèces – une forme d’indifférence. Cette thématique ne paraît donc pas universellement et nécessairement investie d’une puissante charge sacrée et polémique, même si elle l’est parfois très fortement.