Cet article vise à interroger le concept de « langue soviétique », souvent réduite à un objet figé, artificiel, aliénant, qui aurait assuré efficacement la diffusion et l’implantation de l’idéologie en n’offrant que peu d’espaces aux négociations narratives. L’analyse d’un corpus d’ego-documents et d’œuvres de l’écrivain Andreï Platonov suggère, au contraire, l’inefficience d’un monologisme hermétique, en révélant de véritables jeux polyphoniques à travers l’étude des modalités de réception, de réappropriation et de déconstruction du discours officiel par les individus, aussi bien dans leur expression intime que dans leur création littéraire.