La société américaine ne constitue pas un thème parmi d'autres dans le théâtre de Tennessee Williams. Elle en est la trame même. Sudiste et puritain, tout d'abord, le regard social du dramaturge est nourri de son environnement familial et culturel. Ainsi, son éducation rigide, suivie de sa violente rébellion contre le protestantisme scindent ses personnages entre la culpabilité et le désir, le fantasme d'un passé heureux et l'appréhension d'un monde contemporain, jugé cruel et barbare. Emergent également dans l'oeuvre williamsienne les grandes valeurs américaines telles que la démocratie, le capitalisme, le Melting Pot et le mythe de la Frontière. Rapidement, les thèmes prennent le visage de l'aliénation psychologique et du darwinisme social. Le seul moyen d'y échapper réside dans la fuite (mentale ou physique), d'où chez Williams une prolifération de fugitifs : drogués, amnésiques, vagabonds et aliénés. Enfin, Williams dépasse la critique de la société américaine pour atteindre une dimension universelle. Par les thèmes et les personnages qu'il emprunte aux mythologies grecque et chrétienne, par l'utilisation de nouvelles techniques théâtrales dont en particulier celles de l'absurde et du kabuki, par la constitution d'un mythe personnel construit à partir de son enfance et de ses propres aspirations, Williams brosse le tableau d'une société sclérosée dans laquelle les êtres s'empêtrent sans pouvoir toujours en sortir. Désespérément lyriques ou laconiques, immanquablement ironiques mais pleines de tendresse, ses pièces mêlent commentaire social, sensibilité psychologique et poésie. Subjectif et à l'opposé des stéréotypes de l'Amérique bien pensante, le regard incisif de Williams s'inscrit plus que jamais dans l'actualité.