La littérature française peut-elle, doit-elle être enseignée ? La question paraît étrange, tant cet enseignement s'est imposé, au cœur de l'école et de l'Université. Pourtant, la littérature française, comme la langue française, a été longtemps ignorée, tenue en suspicion, dans les établissements de l'Ancien Régime, puis dans les lycées et les collèges du XIX^e siècle. Les langues et les littératures anciennes gardaient leur primauté, au service d'une rhétorique fondée sur les valeurs éternelles du beau, du bien et du vrai. C'est progressivement et tardivement, non sans résistances, que la littérature française put accéder à la dignité des «belles-lettres», avant de devenir, sous la III^e République, un instrument de diffusion de la morale républicaine et de l'esprit national. La classe de rhétorique disparaît en 1902, emportant avec elle le puissant dispositif d'enseignement, hérité de l'Antiquité, qui visait l'art du discours.

Cette histoire de la réception de la littérature par l'école décrit les transformations du corpus des «classiques», qui intègre des genres et des auteurs nouveaux. Elle évoque l'émergence d'exercices tels que l'explication de textes ou la composition française, et la naissance de l'histoire littéraire. Elle en retrace les épisodes et les controverses, qui exhalent un troublant parfum d'actualité. Elle permet ainsi de comprendre les débats qui portent, aujourd'hui, sur l'enseignement de la littérature, et de mieux en cerner les enjeux.