Pour l'Occident, la Chine a constitué depuis plusieurs siècles à la fois un spectacle et un spectre. Alors que pour la Chine, c'est l'Occident qui l'a menacée, envahie, et contrainte à changer ses modes de vie. Pendant plus d'un siècle la société et la culture chinoises ont dû faire face aux pratiques et aux mentalités de la modernité occidentale et le métissage socioculturel y a été imposé par le colonialisme. En Occident, en choisissant d'oublier cette histoire, on exige aussi que la Chine reste «authentique» et «exotique», source de philosophies apaisantes et passives pour assouvir nos âmes troublées.

Que cet ouvrage cible les pratiques lyriques n'est pas un choix aléatoire, car si c'est le roman qui a narré et négocié notre modernité, c'est bien la poésie, quand ses pratiquants ne se sont pas laissés séduire par les politiciens, qui l'a contesté.

Dans ce livre, des contestataires lyriques célèbres, tels que Benjamin Péret, côtoient des poètes chinois «dissidents» comme Duoduo et Bei Dao, et des penseurs d'avant-garde, tels Guy Debord et Raoul Vaneigem, sont associés à des chanteurs d'Occitanie, à des troubadours des chinatowns ou encore aux pionniers du rock and roll pékinois. La mobilisation de ces diverses formes de pensée exprime toutes la puissance que représente l'arme de la critique intellectuelle et poétique.

Dans les combats de civilisation qui se jouent aujourd'hui autour des formes de la mondialisation n'oublions pas le monde rêvé par les penseurs poétiques qui en imaginent aussi l'avenir.