On vante volontiers l'école maternelle française. Mais sait-on exactement ce qui s'y passe ? On loue le travail des enseignants et enseignantes qui, avec une conscience professionnelle exemplaire, s'efforcent de faire éclore des intelligences et permettent à chacun d'acquérir ce qui lui permettra d'engager sa scolarité future avec profit... Mais sait-on bien comment ils s'y prennent ?

L'école maternelle, en effet, est trop souvent perçue comme un univers de spontanéité absolue où tout se ferait naturellement : les enfants, curieux, ouverts et coopératifs, seraient simplement accompagnés par des professeurs-jardiniers qui se contenteraient d'un regard bienveillant et admireraient béatement les aptitudes qui s'éveillent. Certes, le petit enfant est extraordinairement réceptif et, le plus souvent, demandeur d'apprentissages... Mais c'est justement pour cela que l'enseignement qui lui est donné doit être particulièrement exigeant. C'est parce que l'enfant de maternelle est capable de s'investir vraiment tout entier dans des apprentissages qu'il faut que ces derniers soient conçus avec beaucoup de rigueur. C'est pour «être à la hauteur de l'enfant» que la maternelle doit être un lieu de travail intellectuel véritable.

C'est ainsi que l'école maternelle française, aussi élaborée soit-elle, reste encore en chantier : parce que tous les enfants ne peuvent en profiter, de manière équitable, assez tôt ; parce que la formation des enseignants ne prend pas assez en compte les spécificités de ce niveau d'enseignement ; parce que de nombreux savoirs pédagogiques élaborés sur elle doivent être mieux connus et diffusés ; enfin, parce que de nombreuses recherches restent à conduire pour mieux comprendre ce qui s'y passe et l'améliorer encore.

C'est pourquoi le livre de Jacqueline Pillot est si précieux. Il fait le point, de manière opportune, sur l'état des savoirs ; il regarde et analyse au quotidien le fonctionnement d'une classe ; il donne des clés pour comprendre et des outils pour agir. On pourra, fort heureusement, en discuter tel ou tel aspect, mais, justement, là est aussi son mérite : il fait de l'école maternelle un objet de débat, de formation et de réflexion. Pour le plus grand bien de notre service public d'éducation.