La chanson d'Orson de Beauvais est un exemple intéressant de l'évolution du genre épique à la fin du XII^e siècle, autant dans la mesure où elle résiste à la mode du temps que dans celle où elle s'y conforme. Fondée sur une intrigue romanesque traditionnelle et assez largement répandue, elle en resserre le contenu, en réduit la part de conte d'aventure pour lui substituer une thématique plus épique de Croisade et de conflit féodal. Le trouvère a particulièrement mis en valeur le thème de l'inceste spirituel, soulignant a contrario un idéal d'unité familiale sans faille ni conflits internes, célébrant le rôle du lignage et des relations de fidélité vassalique, et la reconnaissance des bienfaits contre les désordres dus aux serments d'amitié hypocrites et à la faiblesse d'un roi vénal. Au contraire des autres chansons d'enfances, le but auquel aspire le fils y est de rendre tous ses droits à son père vivant, non de se substituer à son père mort en le vengeant.

Mais le trouvère sait aussi user avec talent des tendances nouvelles de l'art épique médiéval. Le texte montre un soin particulier dans le recours à la technique de la laisse : effets variés d'enchaînement, d'assonance et de rime, exploitation diversifiée des laisses longues et courtes ; une certaine recherche dans l'écriture et l'utilisation de l'alexandrin ; un effort de composition permettant des effets tout autant pathétiques que comiques, introduisant des scènes originales, et mettant en valeur des personnages bien dessinés, au premier rang desquels celui du traître, une figure très réussie d'hypocrite.