Contrairement à ce qu'on a longtemps cru, il est beaucoup question de rêve au XVII^e siècle, dans la théologie, la médecine, la philosophie, comme dans la littérature. Il s'appelle encore le songe, et ne ressemble pas tout à fait à l'inoffensive psychose des contemporains de Freud, mais sa diversité n'a rien à envier à celle « du » rêve des psychanalystes, des neurobiologistes ou des romanciers d'aujourd'hui. Aux grands songeurs de la Renaissance succèdent en France Descartes, la princesse Palatine et Louis XIV, mais aussi Endymion ou Athalie. Ce livre étudie le songe à travers les théories et les récits, sans se cantonner à la logique générique de l'histoire littéraire, ni aux sources d'une histoire des mentalités, mais en dégageant les liens entre l'étude littéraire et historique : la poétique et les théories de l'art font en effet partie intégrante de l'histoire du songe ancien, conçu comme une représentation, au même titre que la physiologie ou les pratiques divinatoires. Le songe est alternativement le repoussoir et l'idéal d'une représentation si « vive » qu'on peut la prendre pour la vie elle-même - vie qui se trouve à diverses fins comparée à son tour au songe. Cette étude dissocie l'histoire de la fabrique des images, celles de leur interprétation et de l'expérience du rêveur, d'ordinaire jointes, mais leur associe celle du songe comme analogon de l'invention, de la signification, et de l'expérience esthétiques ; c'est par cet ensemble qu'on peut comprendre la lente transformation du songe en rêve.