La diffusion des sports d'hiver en France, à la fin du XIX^e siècle et au début du XX^e siècle, témoigne d'une évolution décisive des représentations de la montagne et des usages corporels des populations. Patinage, luge, bobsleigh et ski sont autant d'innovations modifiant radicalement le paysage culturel de l'espace montagnard. Or, ces mutations apparaissent, pour les populations concernées, comme de nouvelles manières de s'inscrire au monde dans le rapport au corps, à la nature et aux autres. En centrant l'analyse sur un espace géographique relativement délimité, tel que le Jura français, il est plus aisé d'observer les relations entre la diffusion des pratiques, les relais institutionnels et l'évolution des représentations collectives situées dans les configurations spécifiques qui les génèrent et les autorisent. Mais, écrire cette histoire des sports d'hiver jurassiens implique nécessairement un regard comparatif entre les tendances générales constatées en France et les orientations locales. La démarche permet de réinsérer la diversité des échanges culturels en repérant des processus communs mais aussi des décalages, des controverses et des différences significatives.

Selon cette perspective, tout tend à montrer combien les changements observés dans le champ des sports d'hiver révèlent ceux des sociétés et des groupes sociaux qui les produisent : création d'un temps festif, tentative de maîtrise de la nature, éducation civique des montagnards, diffusion de préceptes hygiénistes, centration sur le rendement sportif des pratiquants. Ils conduisent à l'invention de nouvelles formes de loisirs corporels suscitées par la société industrielle, avec sa rationalisation technique, sa nouvelle distribution du temps et sa vision d'un corps efficace et productif. Parallèlement, des processus identitaires s'observent, dans la constitution d'un patrimoine de culture physique régional, à travers l'importance que les jurassiens accordent au ski de fond.