La présente étude s'interroge sur les qualités expressives du secret tant en peinture qu'en littérature. Elle analyse ce qui en constitue la réalité paradoxale, dans la mesure justement où le secret dit qu'il ne veut pas dire, suggère qu'il cache et rend conscient de ce qui doit rester inconscient. La peinture, malgré sa globalité apparente, ne peut pas tout montrer et laisse volontiers deviner ou même imaginer ce qu'elle ne montre pas. La littérature, qui est un art temporel et révèle à mesure, pratique elle aussi le clair-obscur de l'implicite. Ainsi, pour différents qu'ils soient dans leur portée expressive, les deux langages - celui du visible immédiat et celui des suites verbales - sont mobilisés l'un et l'autre par un univers qui se dérobe. Et cela, d'autant plus que leurs moyens spécifiques sont partiels, et que l'accès à la pleine réalité de l'être ne leur est pas assuré. D'où, pour le dire et le surmonter, les détours littéraires, les jeux de cache-cache plastiques. Les exemples retenus ici ne se cantonnent pas à une seule époque. Ils vont du paysage chinois aux jeux de masques de la Sérénissime, des conduites de la « fin amor » et de l'honnêteté à la mode des emblèmes, des anamorphoses d'Holbein ou des bricolages d'Arcimboldo, aux nus, voilés ou non, de Cranach, de Titien et de Vélasquez. Il demeure néanmoins que le siècle maniériste possède en la matière une singulière éloquence avec son goût du paradoxe et sa pratique d'un art hyperconscient. C'est souvent à travers cette poétique qu'il exprime, a-t-il semblé, son essence et sa visée.