Travailler sur la « question judéoconverse », ses composantes monarchique et inquisitoriale, c'est s'insérer avec force au coeur d'une actualité politique conflictuelle à l'aube des temps modernes. Tout au long du XVI^e siècle, les « statuts de pureté de sang », qui maintiennent les conversos dans des marginalités frappées d'infamie, dévoilent une histoire programmatique, fondée sur une ségrégation raciale aux racines anciennes. De fait, sous les Rois Catholiques, le système inquisitorial des « incapacités légales des hérétiques », en affectant pareillement les descendants d'hérétiques libres de toute macule, a jeté, pour la première fois, l'opprobre sur toute une catégorie sociale. Ainsi l'Inquisition, en dressant face à face les vieux-chrétiens au sang pur et les nouveaux-chrétiens au sang impur, a-t-elle donné corps à une violente guerre sociale pour le pouvoir local et s'est-elle érigée en arbitre sur le terrain religieux et politique. Son intromission brutale au coeur des jeux politiques fermés du patriciat semble alors exacerber les tensions existantes et la cohésion municipale se fracture autour de la question des conversos. Derrière les connexions qu'établissent les fonctionnaires zélés de l'Inquisition s'esquissent les méandres d'une stratégie de restauration municipale imposée par une monarchie en phase de consolidation. Les judéo-convers en font les frais. Mais une question subrepticement affleure, délicate et essentielle : pourquoi, dans ces conflits pour le pouvoir local, qui mettent en jeu la représentation politique autant que la richesse et l'honneur, représentent-ils l'élément antisocial ? Les spécificités d'un groupe dynamique suffisent-elles, dès lors, à expliquer l'enchaînement inévitable de l'exclusion et de l'anathème ?