Justice sociale et juges

Les crises se succédant, l'Europe est traversée par un double mouvement paradoxal. D'un côté, les juges font l'objet de critiques grandissantes du fait de leur position de contre-pouvoir. Ils sont en effet susceptibles de contrôler la loi et donc, prima facie, de remettre en cause la volonté générale telle qu'exprimée par le législateur. D'un autre côté, les juges sont sollicités comme dernier recours pour s'opposer à certaines législations - ou à l'inverse, pour exiger de l'État certaines actions - au nom d'intérêts supérieurs, tel le respect des droits fondamentaux. Ces dernières années, les juges suprêmes en Europe ont ainsi été saisis de mesures économiques et sociales qui ont donné lieu à de vives réactions politiques et populaires. Ils se sont dès lors retrouvés dans une position d'arbitre ayant le pouvoir d'écarter ou d'invalider la législation contestée. Comment ont-ils assumé cette position ? Il est apparu pertinent de mettre en regard ces différentes jurisprudences et analyses afin d'identifier des tendances ou des rapprochements possibles dans une perspective de transdisciplinarité juridique et de droit comparé. Au-delà, s'agissant de l'étude d'un phénomène social, les regards de la sociologie du droit et de la sociologie historique sont venus utilement croiser et enrichir celui des juristes et acteurs concernés. Les contributions réunies dans cet ouvrage interrogent ainsi sur la réalité et l'étendue d'une forme de judiciarisation des luttes sociales.