Cet article propose d’interpréter l’utopie de L’Homme de fer de Louis-Sébastien Mercier (collection Garnier, 1788) comme l’hallucination éphémère d’un accès d’enthousiasme. La description d’une société utopique et sa confrontation avec les forces du réel laissent place à une expérience onirique solitaire, avec sa suite de visions, ses transports et son évanescence.Ce texte insolite, oublié des commentateurs, part d’une hypothèse invraisemblable, non théorique mais narrative : la métamorphose du narrateur en héros invincible, figure sur laquelle repose l’utopie de la Justice. Si L’An 2440 a éclipsé ce conte fantaisiste qui dédaigne toute forme de vraisemblance, nous souhaitons réhabiliter ce dernier : le récit est un fantasme assumé qui se propose de propager le mouvement enthousiaste pour la justice. Moteur de l’utopie, il lui donne son élan, se communique au lecteur ; cette énergie traverse le héros-législateur, se diffuse dans le corps social avant de s’épuiser dans une voix sans corps.