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Une reconstruction progressiste du passé : Renaissance et Risorgimento dans « Old Pictures in Florence » de Robert Browning

dans Presses universitaires de la Méditerranée


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  • Date
    • 2019-01-21T01:00:00Z
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    • L’une des principales fonctions que joue l’histoire italienne dans l’œuvre de Robert Browning est de servir de modèle pour une réflexion politique générale sur l’évolution des sociétés et les liens que la politique entretient avec l’art, valant aussi bien pour les problématiques de l’histoire européenne du dix-neuvième siècle que dans les débats qui animent la société victorienne. Au centre du poème « Old Pictures in Florence » (1855), la figure du Campanile de Giotto, resté inachevé avec la chute de la république florentine, sert d’emblème à cette réflexion. D’un point de vue esthétique aussi bien que politique, cet état d’inachèvement est ce qui donne sa force à l’ouvrage, ouvrant l’espace nécessaire à une reprise, un progrès qui trouve sa source dans les ambitions du passé, et promettant une évolution politique qui trouve dans le passé le modèle d’un élan progressiste. Ce point de vue apparemment paradoxal, qui va chercher dans le passé les forces d’un véritable renouveau s’oppose frontalement aux tendances réactionnaires à l’œuvre dans une large part des entreprises victoriennes de glorification du passé, au premier rang desquelles le mouvement Young England et le mouvement d’Oxford, parodiés par Browning dans « The Flight of the Duchess » (1845) et « Bishop Blougram’s Apology » (1855). Cette dimension fait écho à la réflexion que Browning entretient depuis Sordello (1840) concernant la fonction du passé dans l’action politique : plutôt que chercher un âge d’or qui serve de modèle au regard duquel il s’agirait de critiquer le présent, le fait de se placer du point de vue du passé permet de reconcevoir la situation contemporaine dans la perspective d’une plus longue évolution, selon un vecteur symétriquement opposé à la nostalgie réactionnaire. Browning ne regarde pas l’âge d’or florentin comme une perfection perdue qu’il s’agirait de recréer, mais au contraire comme décrivant par ses imperfections mêmes la promesse des progrès futurs. Sa réflexion accompagne en ceci l’élan du Risorgimento dont il est à Florence le témoin immédiat (son épouse Elizabeth Barrett en rend compte dans Casa Guidi Windows, 1855), puisque ce mouvement fait un usage similaire de la Renaissance toscane comme source originaire de l’esprit national italien, et donne un rôle fondamental aux artistes comme créateurs de l’identité politique de leur époque. Par ces choix, Browning explore la dimension qui permet à un réformisme d’être réellement progressiste, puisque la reconstruction y est nécessairement vue comme une réinvention, en contraste avec l’élan révolutionnaire qui voudrait faire table rase du passé.
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