La figure d’Antigone, symbole de l’opposition au pouvoir, a hanté la dramaturgie espagnole pendant la dictature franquiste. Les réécritures de la tragédie de Sophocle ont foisonné à cette période, suscitées par un contexte historique qui faisait écho à l’histoire fratricide de Thèbes. Antigone refuse de se plier à la loi qui interdit d’enterrer Polynice, devenu persona non grata après sa trahison, relégué aux portes de la cité. Cette marginalisation, imposée par le tyran, se répercute sur l’héroïne : par son acte, Antigone s’exclut. Une fois le mécanisme déclenché, elle sort du cercle. À ce titre, ce personnage a idéalement représenté tous les marginaux dans l’Espagne franquiste : les opposants, les exilés et les locuteurs de langues régionales. Antigone devient leur miroir et leur masque, pour s’introduire au cœur du pouvoir et en ébranler les piliers.