Cet article part de deux observations, à savoir que (1) la première tâche du traducteur est d’identifier le mode de discours du texte à traduire, et (2) la manière dont un locuteur module son discours dépend (i) de son intention communicative, (ii) de son allocutaire réel ou virtuel, et (iii) du contexte socio-culturel de référence. L’auteur prétend que la célèbre traduction de The Bible of Amiens (La Bible d’Amiens) de John Ruskin échoue principalement parce que le traducteur, Marcel Proust, ne tient pas suffisamment compte de la nécessité d’adapter l’intention didactique (analogique et déictique) de Ruskin à un lectorat sophistiqué, dont la plupart ignore l’arrière-plan de référence. L’autre raison de cet échec s’avère être la méconnaissance de Proust de la langue anglaise, comme le témoigne le nombre étonnant de contresens et de faux sens qui émaillent le premier chapitre. Le mystère de l’accueil dithyrambique de la traduction par la critique ainsi que la réédition régulière d’un texte, somme toute compromettant pour tout le monde – auteur, traducteur et lecteur – reste à élucider.