Cet article revient sur l’histoire de la constitution du corpus théorique de l’économie industrielle et sur l’apport des Recherches sur les principes de la théorie des richesses (1838) d’Antoine-Augustin Cournot. Nous défendons l’idée que cet apport ne peut se résumer à la découverte de résultats théoriques formels attachés à la détermination du prix en équilibre partiel. Nous soutenons, à l’inverse, que loin d’être directe et univoque, l’influence des Recherches résulte d’un processus long et complexe de réinterprétation de l’œuvre à partir de la fin du 19ème siècle. Principal argument à l’appui de cette thèse, les développements mathématiques de l’ouvrage de 1838 - notamment son étude des situations de monopole, duopole et de « concurrence indéfinie » - n’étaient pas pensés par leur auteur comme un schème général et systématique de formation du prix. Aussi cherchons-nous dans cet article à restituer la signification originelle des Recherches. Précisément, nous montrons que l’étude mathématique des structures de la concurrence (la « théorie des pôles ») visait à répondre à un problème spécifique de mesure de la valeur qui s’inscrit dans un champ de questions propre à l’économie classique d’inspiration ricardienne. L’apport de Cournot apparaît finalement davantage comme méthodologique que théorique.