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« Mon seul Shakespeare »

dans Centre de recherche VALE

Auteur(s) : Nichet, Jacques

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2013-01-15T01:00:00Z
  • Notes
    • J'ai été frappé par l'étrange composition de Mesure pour Mesure, ce qui m'a donné le désir de mettre en scène cette pièce. Un élan tragique traverse les premiers actes : le duc préfère fuir des responsabilités qui, depuis si longtemps, le dépassent et lui pèsent. Il se retire en transmettant provisoirement le pouvoir à un « incorruptible » qui sera, bien mieux que lui, capable de trancher dans le vif ! Angelo, sans tarder, mène une politique répressive expéditive. Sous le déguisement d'un moine, le duc  surveille en catimini les conséquences d'un retour si abrupt de l'ordre moral. Il semble approuver les premières condamnations : son caractère mélancolique, sa morale austère lui permettent de trouver les mots qui préparent Claudio à sa mort prochaine. Soudain, tout change : le duc entend ce même prisonnier  supplier désespérément sa sœur de lui sauver la vie, d'accepter le chantage du nouveau régent. Vincentio, qui a si longtemps vécu replié sur lui-même dans son palais, semble découvrir le prix inestimable d'une simple vie humaine : sur le champ, il décide de réagir et d'empêcher l'exécution de Claudio, ordonnée par le plus corrompu des juges ! Il va tout mettre en œuvre pour détourner cette tragédie de sa course furieuse. Voici que Vincentio se met à prendre des décisions improvisées, trouve des stratagèmes inattendus pour déjouer les ordres du maître chanteur. Ainsi s'invente au fur et à mesure une sorte de « parade » qui fait mine d'accomplir la tragédie pour mieux berner la bête sauvage qui se nomme Angelo ! À une mesure de tragédie s'oppose  une mesure de comédie ! À toutes les exigences horribles du tyran, le faux moine répond toujours favorablement.  Des simulacres sanglants remplacent le sang versé ! À celui qui demande la tête de Claudio, le Duc offre la trogne d'un « cadaver ex machina », de ce prisonnier dénommé Ragozine qui a eu la bonne idée de mourir au bon moment ! Tragédie et comédie, en se contaminant, laissent sourdre un étrange humour noir, dont le plus bel exemple se trouve dans la protestation de Bernardin qui refuse de se laisser couper le cou à  une heure impossible ! Shakespeare a décidé d'opter pour la clémence ! La tragédie d'Angelo fait long feu : le dernier acte, avec une violence allègre, parvient à tresser ensemble les fils de l'horreur et du rire, de la ruse et du mensonge invétéré, pour enfin tout dénouer harmonieusement ! Je donne, chemin faisant, quelques éclaircissements sur certains de mes choix de metteur en scène : distribution, costumes, scénographie, rythme de jeu. Ces quelques pages témoigneront, je l'espère, du bonheur qui a été le nôtre de pouvoir prolonger sur scène le texte de Shakespeare qui répond si généreusement à ceux qui l'interrogent sans malice !
  • Langues
    • Français
  • Sujet(s)
  • Droits
    • info:eu-repo/semantics/openAccess .
    • https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
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