Le poète irlando-américain Eamonn Wall fait partie de cette nouvelle vague d’émigrants (intellectuels et artistes) qui quittent l’Irlande dans les années 1980. Pour ces Nouveaux Irlandais, l’exil n’est plus définitif, mais va-et-vient transatlantiques. Quelle langue au-delà de notre langage communicationnel bien rôdé, pris dans une philosophie de l’Être, sa poésie va-t-elle devoir forger pour rendre compte des transformations que de tels déplacements incessants opèrent sur le paysage ? Une rencontre avec un tableau de Mark Rothko donne accès à Wall à ce langage toujours en migrations et mutations que sa poésie recherchait pour dire l’impossibilité d’un avoir lieu. Glissant, dont la pensée archipélique nous a ouvert le “Lieu-monde”, et Jullien, à qui le travail des écarts permet de suivre les processus transitionnels et transformationnels, nous aideront à approcher les lieux instables que cette nouvelle forme d’exil occasionne — des lieux éparpillés et vagabonds que seule une langue au-delà du langage, une poétique, peut écrire.