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Les représentations du bateau négrier dans le cinéma et les séries télévisées nord‑américains

dans CIRESC

Auteur(s) : Lepers, Maureen

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2020-05-22T02:00:00Z
  • Notes
    • Si les esclaves noirs ont toujours été représentés dans les films de plantation du cinéma hollywoodien, la traversée de l’Atlantique – le Passage du milieu – est quant à elle restée largement ignorée par les productions. Pensés par et pour un public blanc, les films adoptaient le plus souvent la perspective des maître.sse.s du sud de l’antebellum, neutralisant ainsi l’esclavage comme scandale historique. Le retournement du point de vue des colons blancs aux esclaves noirs dans le sillage de mouvements comme la blaxploitation permet l’apparition des premières images de la traversée transatlantique au tournant des années 1970‑1980. Deux séries de représentation du Passage du milieu émergent alors : l’adaptation télévisuelle de Racines (Roots, ABC, 1977), le roman historique d’Alex Haley et, plus tard, Amistad (Steven Spielberg, 1997). Palliant un manque criant d’images et s’appuyant sur des sources documentaires assez proches – les mémoires de Olaudah Equiano, notamment –, les deux productions sont pendant longtemps les seules à proposer des images explicites de la traversée. Elles s’imposent de fait comme des modèles de représentation, dont s’inspirent deux séries nord‑américaines sur l’esclavage en 2015‑2016 : The Book of Negroes (Clement Virgo, CBC, 2015) et le remake éponyme de Racines (Will Packer, History Channel, 2016). À travers ces quatre productions, cet article entend analyser les conventions de mise en scène de la traversée transatlantique dans les productions audiovisuelles américaines. Il propose, pour ce faire, de s’intéresser en détails au navire négrier, un décor souvent négligé au profit d’autres espaces typiques du récit esclavagiste, de l’Afrique paradisiaque au Vieux Sud, utopique ou décadent. Le vaisseau est d’abord perçu comme un lieu de violence extrême, dont l’architecture incarne le traumatisme physique et psychique de la commodification (la transformation des corps noirs esclavisés en objets à marchander). Pour autant, en dépit de sa violence, ce décor s’envisage également comme un lieu de résistance, voire comme un « lieu de mémoire » (Pierre Nora) : théâtre de la révolte, il rend aux esclaves noirs du cinéma et des séries américaines une histoire et des origines, et participe ainsi à la restauration de leur agency. Reste cependant à questionner le type de mémoire du Passage du milieu et de l’esclavage que fait émerger ce décor dans les productions cinématographiques et télévisuelles américaines : en ne s’attardant que sur la violence individuelle de la traversée, les films et séries analysés perdent de vue l’esclavage comme système, et participent ainsi à minimiser les responsabilités historiques des nations engagées dans la traite.
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