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(Dis)fluencies and their contribution to the co-construction of meaning in native and non-native tandem interactions of French and English

dans Laboratoire Parole et Langage

Auteur(s) : Kosmala, Loulou

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2020-11-17T01:00:00Z
  • Notes
    • Cet article vise à étudier la contribution des (dis)fluences dans la co-construction multimodale du sens en interaction, et plus particulièrement dans le cadre des interactions tandems. Les interactions tandems, qui reposent sur l’alternance entre le rôle du locuteur natif et celui non-natif, peuvent être considérées asymétriques (Adams, 1998) puisque le locuteur natif doit adapter son discours et sa gestuelle au locuteur non-natif (Adams 1998) et que les locuteurs non-natifs doivent également déployer des stratégies communicatives pour faire face à leurs difficultés de production (Gullberg, 2011). La situation tandem sera entendue ici comme discours « didactique » puisque le premier objectif des locuteurs qui interagissent dans une langue plus ou moins maîtrisée est de se faire comprendre. Cela renvoie à la notion de didacticité seconde explorée par Moirand (1993) qui fait référence aux discours qui ne sont pas didactiques en soi (e.g. contexte scolaire) mais qui relèvent d’une intention didactique. Dans cet article, la notion de didacticité seconde et d’intention pédagogique est explorée dans le cadre de l’analyse des (dis)fluences et de leurs manifestations multimodales.La (dis)fluence peut se définir comme une suspension ou une interruption du flux de la parole (Ferreira & Bailey 2004) et se manifeste sous la forme de plusieurs marqueurs vocaux et morpho-syntactiques, tels que les pauses remplies, les pauses silencieuses, les allongements de syllabe, les répétitions, les auto-corrections, les auto-interruptions etc. (Shriberg, 1994). Ces phénomènes ont souvent été considérés dans la littérature comme des signes de problèmes ou de dysfonctionnement liés à la production des énoncés (Schachter, Christenfeld, & Bilous, 1991; Smith & Clark, 1993) tandis que des études plus récentes défendent l’idée qu’ils ont également avoir des fonctions discursives et communicatives en interaction (Tottie 2014; 2011; Kjellmer 2003; Tellier, et al., 2013). Cette opposition, ou ce conflit reflété dans la littérature souligne l’aspect polyvalent des (dis)fluences : les mêmes formes, selon leur distribution locale et globale en contexte peuvent à la fois être des signes de fluence et de disfluence (Crible, et al., 2017). Cet article vise donc à dépasser l’opposition binaire traditionnelle entre « fluence » et « disfluence », et d’analyser ces phénomènes sur un continuum où l’on trouve plusieurs degrés de (dis)fluence. En partant d’une vision polyvalente, fonctionnelle et interactionnelle de ces phénomènes, nous adoptons une définition de la grammaire qui est dynamique et qui s’adapte à une diversité de contextes discursifs et sociologiques (Mondada 2001). Cela prend également en compte la perspective de l’analyse conversationnelle (Sacks, 1992 ; Sacks et al. 1974) qui vise à analyser minutieusement la dimension séquentielle des énoncés ; les énoncés sont constamment construits, planifiés, ajustés au fur et à mesure qu’ils émergent de l’intention des locuteurs. Dès lors, les (dis)fluences prennent leur sens dans l’interaction, et sont constitutifs de la parole spontanée. De plus, cet article souligne l’aspect multimodal des (dis)fluences, puisqu’elles peuvent se manifester par le biais de plusieurs ressources sémiotiques. Certaines études se sont intéressées à la production des gestes qui apparaissent en même temps que les (dis)fluences (Stam & Tellier 2017 pour les pauses, Seyfedinnipur sur les auto-corrections) ; tandis que les (dis)fluences n’ont pas de contenu propositionnel ou sémantique en soi, les gestes qui les accompagnent peuvent aider à déterminer leurs fonctions au sein de l’interaction. D’autres chercheurs se sont également intéressés à des cas où la suspension du geste suivait celle de la parole (Graziano & Gullberg, 2013, 2018), ce qui défend l’idée que la parole et les gestes peuvent fonctionner de manière synchrone. L’étude du regard a également son importance dans le rôle des (dis)fluences en interaction (Goodwin & Goodwin, 1986). Cet article s’inscrit dans la lignée de ces études, et propose une perspective nouvelle de la (dis)fluence en suivant un axe epistémologique qui souligne l’importance des signaux faciaux et gestuels dans la co-construction du sens en interaction.Afin d’explorer la dimension interactionnelle des (dis)fluences dans le cadre d’interactions tandems, la présente étude s’appuie sur le corpus SITAF, un corpus vidéo collecté à la Sorbonne Nouvelle (Sylwia & Scheuer, 2015) qui comprend plusieurs interactions dyadiques tandems entre des locuteurs francophones et anglophones qui interagissent mutuellement dans leur L1 et leur L2. Ce corpus a déjà été exploré dans le cadre des (dis)fluences lors d’études précédentes (Kosmala & Morgenstern, 2017; Kosmala et al. 2019 ; Kosmala, à venir) mais cet article repose sur l’analyse détaillée de deux séquences tirées d’une même paire du corpus. Ces analyses soulignent l’aspect interactionnel et multimodal des (dis)fluences et le fait qu’elles puissent apparaitre dans des contextes d’activité et de réalisation conjointe. Tandis que les résultats quantitatifs soulignent peu la dimension interactionnelle et multimodale des (dis)fluences (puisque très peu de gestes (20%) accompagnaient les (dis)fluences dans les données), l’analyse qualitative, à travers une approche multimodale contextualisée, est cruciale dans l’analyse de ces processus puisqu’elle permet de prendre en compte la complexité des (dis)fluences, qui sont déterminées par leur contexte d’apparition. Les analyses proposées dans cet article servent également de complément au codage minutieux qui a été effectué sur les données et qui prend en compte les spécificités verbales et non-verbales des (dis)fluences. La première séquence analysée porte sur l’interaction en anglais où la locutrice française non-native discute des émissions de télé réalité et du comportement des acteurs lors de ces émissions. Seulement, la locutrice a mal compris le sujet (écrit en anglais sur un bout de papier), puisqu’il portait sur les réseaux sociaux, et non sur la télé réalité. Lors de cette séquence, le locuteur natif, par le biais de plusieurs (dis)fluences et ressources visuo-gestuelles, tente de réajuster le sens en effectuant un geste déictique vers le morceau de papier afin de bien vérifier le sujet écrit dessus, puis de faire comprendre à son interlocutrice qu’elle s’est trompée. Il produit également un autre geste cyclique par la suite en tentant de faire parler la locutrice sur le sujet. Le locuteur arrive à jouer deux rôles en même temps, celui du co-participant de l’interaction, et celui de l’expert natif qui tente de régler ce malentendu. Cette action peut s’interpréter comme relevant d’une intention pédagogique, puisque le locuteur fait recours à la gestuelle pour faciliter l’accès au sens, mais aussi pour inciter son interlocutrice à parler. La deuxième séquence porte sur l’interaction en français, où les rôles sont inversés, et c’est donc cette fois ci le locuteur américain non-natif qui discute du sujet. Le sujet porte sur l’adolescence, et contrairement à la première séquence, les deux locuteurs sont parfaitement d’accord sur la question, et il n’y a aucun problème de communication. A un moment précis de l’interaction, le locuteur non-natif souhaite exprimer une idée, et produit dès lors un geste référentiel qui renvoie à la notion des hauts et des bas, en même temps qu’une (dis)fluence. Sa locutrice complète son énoncé, et verbalise cette notion en énonçant « des hauts et des bas ». Cette fois ci, le locuteur non-natif n’a pas l’air d’éprouver de difficulté lexicale car il ne s’adresse pas à son interlocutrice pour qu’elle lui vienne en aide, et sa partenaire, via une reprise gestuelle, participe dès lors à la co-construction du sens. Cette séquence peut donc être vue comme le fruit d’un travail collaboratif sur une notion précise en contexte. À nouveau, l’intention pédagogique des locuteurs peut être manifestée à travers cet échange puisqu’ils avaient comme but commun de se faire comprendre et de souligner leur accord. Seulement, le degré de didacticité était un peu moins marqué que lors de la première séquence puisque la relation expert/novice semble moins accentuée. Cela peut souligner l’idée que les gestes pédagogiques peuvent être envisagés sur un continuum qui comporte plusieurs degrés de didacticité. (Azaoui, 2015). Pour conclure, cet article souligne l’aspect interactionnel des (dis)fluences en interaction tandem, que l’on peut considérer ici comme discours pédagogique puisque certains des gestes utilisés par les locuteurs en contexte relevaient d’une intention pédagogique en lien avec la stratégie du sens. Les analyses ont également montré que les locuteurs natifs et non-natifs, par le biais des (dis)fluences et de plusieurs ressources sémiotiques ont su co-construire le sens en tandem. La co-construction du sens se fait donc à travers le corps, les gestes, le regard et la parole.
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    • Anglais
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    • info:eu-repo/semantics/openAccess .
    • https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
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