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« Il ne mérite pas l’indulgence ». Des condamnés à mort irrécupérables ? Les recommandations des magistrats en faveur de l’exécution, en France à la Belle Époque

dans ENS Éditions

Auteur(s) : Picard, Nicolas

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2020-01-20T01:00:00Z
  • Notes
    • Au sommet de l’échelle des peines avant 1981, la peine de mort était censée éliminer les pires criminels de la société. Les individus reconnus coupables d’assassinat ou de meurtre aggravé étaient voués, selon le code pénal, à la mort par décapitation, s’ils ne bénéficiaient pas de circonstances atténuantes. Sans surprise, ce sont des individus issus de populations déjà marginalisées qui en font les frais. Les condamnés à mort n’étaient cependant pas complètement irrécupérables : le chef de l’État disposant du droit de grâce avait toujours le pouvoir de les extraire de leurs fers et de leurs angoisses pour une autre forme d’élimination, avec la transportation en Guyane, malgré tout considérée comme une deuxième chance. De 1908 à 1914, seule une fraction minoritaire (environ un tiers) de ces condamnés était considérée comme vraiment irrécupérable, ne méritant pas d’indulgence, et donc de vivre. Pour étayer et produire ce caractère, le ministère de la Justice demandait aux magistrats ayant contribué à la condamnation, soit le procureur de la République, l’avocat général et le président des assises, des avis motivés. C’est l’étude de ces motivations qui fait l’objet de cet article en partant de l’analyse des rapports contenus dans les dossiers de grâce conservés dans les archives de la chancellerie ou de la présidence – rejoignant ainsi, dans la lignée de la sociologie morale, les préoccupations de récents travaux portant sur les justifications données par les acteurs de la chaîne pénale à leurs décisions. Outre les caractéristiques générales portant sur l’âge, la situation sociale ou familiale ou la situation de récidive, d’autres signes contribuent à incliner les magistrats vers l’exécution : il s’agit de l’attitude au procès, ou en prison, des marques du cynisme, voire de la monstruosité, laissant présager d’un échec de toute perspective de relèvement moral. Plus encore, la sévérité des magistrats est surtout imprégnée d’idées de rétribution, avec la question centrale de la responsabilité, ainsi que par des visées d’exemplarité. Elle montre une pratique du droit encore largement tributaire des représentations chrétiennes et plus largement spiritualistes, très éloignées des théories positivistes de « défense sociale » pourtant en plein essor.
  • Langues
    • Français
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    • info:eu-repo/semantics/openAccess .
    • https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
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