• Aide
  • Eurêkoi Eurêkoi

Article

La banalité du mal à la croisée des regards. Philosophie, histoire, droit, cinéma

dans Éditions du Centre d'études et de documentation de l'ASBL Mémoire d'Auschwitz

Auteur(s) : Lefebve, Vincent

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2022-01-24T01:00:00Z
  • Notes
    • La controverse engendrée par l’ouvrage de Hannah Arendt Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal se terminera-t-elle un jour ? Paru au début des années 1960, l’ouvrage a immédiatement suscité une polémique internationale de grande ampleur. S’il a depuis fait régulièrement l’objet de commentaires, un regain d’intérêt notable vis-à-vis de ce livre s’est manifesté à partir du milieu des années 1990 et se poursuit aujourd’hui. Cet écho contemporain à la controverse initiale suscitée par Eichmann à Jérusalem présente diverses caractéristiques. En premier lieu, le recul temporel implique un changement dans le style et dans le ton : les discussions actuelles sont moins passionnées, relèvent davantage du débat que de la polémique. En second lieu, alors que les réactions suscitées par l’ouvrage dans les années 1960 se concentraient sur la notion de banalité du mal, ainsi que sur les observations d’Arendt se rapportant au rôle des dirigeants juifs dans le déroulement de la Shoah, on assiste depuis plusieurs années à un élargissement des thématiques abordées. En particulier, la pensée de la justice que recèle Eichmann à Jérusalem retient l’attention des commentateurs, de même que la philosophie du droit implicite dans ce livre, cette dernière se fondant sur une certaine conception de l’articulation entre les sphères du droit, de la politique et de la morale. Enfin, les positions d’Arendt sont appréhendées et discutées aujourd’hui depuis des perspectives et des ancrages disciplinaires divers. Eichmann à Jérusalem reçoit en effet une attention renouvelée de la part de philosophes, mais aussi d’historiens (Christopher Browning, David Cesarani, Bettina Stangneth, etc.), de juristes, de psychologues et de cinéastes. Concernant cette dernière dimension, outre que le procès Eichmann – dès lors qu’il a été filmé et diffusé à la télévision – a constitué un événement médiatique singulier dont on n’a mesuré que récemment la portée, il est particulièrement frappant que les thèses avancées par Arendt et plus généralement son intérêt pour le procès de Jérusalem aient fait l’objet d’adaptations à l’écran, soit que la position arendtienne inspire des réalisateurs de documentaires (Rony Brauman et Eyal Sivan, Un Spécialiste, portrait d’un criminel moderne, France, 1999), soit que le « personnage Arendt » soit mis au centre d’une œuvre de fiction (Margarethe Von Trotta, Hannah Arendt, Allemagne, 2012). Si le potentiel heuristique de ce croisement de perspectives – philosophiques, historiographiques, cinématographiques, etc. – est indéniable, il est toutefois nécessaire, ainsi que l’article le montre, que soit menée une patiente et délicate opération de réappropriation critique de ces diverses lectures d’Eichmann à Jérusalem. En effet, la pensée d’Arendt faisant parfois l’objet d’interprétations ou de réappropriations contestables, qui n’en respectent ni la lettre ni l’esprit, des précautions s’avèrent nécessaires. En particulier, un travail de contextualisation de ce livre dans l’œuvre générale de la philosophe doit être mené. Ce n’est qu’à ce prix que ces lectures contemporaines peuvent révéler le potentiel de la pensée d’Arendt pour affronter, dans leur spécificité propre, certains phénomènes politiques contemporains, comme les menaces qui pèsent sur le projet de justice pénale internationale ou encore la montée en puissance d’un terrorisme global qui est, par certains de ses aspects, comparable aux totalitarismes du XXe siècle.
  • Langues
    • Français
  • Sujet(s)
  • Droits
    • info:eu-repo/semantics/openAccess .
    • All rights reserved
  • Résultat de :