Janvier, Mai 1802 : Friedrich Hölderlin fait un court séjour à Bordeaux, embauché comme précepteur chez une famille de riches commerçants en vins, Hanséates, protestants comme lui.

De ce séjour, on ignore tout, ou presque.

Trois lettres seulement, assez pauvres en renseignements directs, rien que des hypothèses quant aux événements survenus pendant le séjour, des hypothèses encore quant aux raisons de son retour précipité en Allemagne.

1802, année terrible, année de bascule : pacification de l'Europe après la tourmente révolutionnaire avec la paix d'Amiens, réconciliation de l'Eglise et de l'Etat français avec le Concordat, virage idéologique de fond, retour au christianisme et aux valeurs domestiques après le détour grec et libertaire des années de révolution avec Le Génie du Christianisme, entre autres.

1802, année de césure : de la Révolution à la Restauration, du classicisme au romantisme, à mi-chemin, Hölderlin entre en résonnance avec l'Histoire. Un mi-chemin qui le fait aller, stylistiquement, d'un classicisme archaïsant et superbe à l'explosion de la forme, à une expérience poétique moderne sans précédent ; politiquement, de l'engagement révolutionnaire à une sorte de forclusion du discours ; socialement, de la santé à la folie, de la liberté à la réclusion pour quarante années d'enfermement.

Pour Hölderlin, année cruciale donc, qui, au milieu de sa vie, à 32 ans, bascule entre deux mondes.

Entre les deux : le silence du voyage à Bordeaux.