Les banlieues ont vu vers 1960 se généraliser l'immeuble-barre. Ce standard de l'habitat social n'est pas un effet soudain de la préfabrication et du «chemin de grue». Pas plus qu'il ne résulte d'une évolution linéaire inexorable, qu'aurait provoquée l'instauration idéologique du logement au siècle dernier, combinée à de nouvelles politiques de formes urbaines. C'est une élaboration complexe, à la fois sociale, architecturale et technique, qui est ici mise en lumière.

A travers de lents processus, aux enjeux contradictoires et tâtonnements multiples, se révèle la recherche réitérée d'une architecture de conciliation, qui hybride différents caractères avec l'espoir d'en cumuler les vertus sans les défauts. Avant d'opposer nettement le pavillon et le collectif, l'habitat comprenait toute une gamme d'essais pour réunir les logements sans les couper des qualités d'usage et d'image propres à la maison. Maisons superposées, plot ou immeuble mimant la villa : s'ils n'avaient dérivé vers les catégories normales de la production rationalisée, ces «habitats intermédiaires» et «petits collectifs» avant l'heure auraient pu fonder leur retour actuel. Mais l'intérêt premier de ces avatars historiques, méconnus pour beaucoup, est de nourrir une théorie sur les logiques, constantes et transitoires, qui donnent forme à l'immeuble et structurent l'espace de l'habitation. Le logement d'aujourd'hui y puise ses codes les plus établis, ainsi que des raisons de mutation.