Cet ouvrage a été composé en pensant d'abord à tous ces étudiants des Universités et des Écoles d'architecture qui sont aujourd'hui amenés à traiter du patrimoine, que leur objectif soit ou non d'en faire leur métier. Il s'adresse aussi à tous ces habitants passionnés par le monde dans lequel ils vivent et qui, au long de la deuxième moitié du XX^e siècle, se sont imposés comme les nouveaux acteurs de l'évolution de leur cadre de vie.

Le concept de patrimoine englobe, certes, celui de monument historique mais en le dépassant très largement à la fois quantitativement et qualitativement. Quantitativement puisque, par-delà les artefacts, le patrimoine peut concerner une langue, une tradition, un savoir faire. Mais qualitativement aussi dans la mesure où la mise en évidence de la valeur patrimoniale d'un lieu, d'un événement ou d'un fait a souvent non seulement échappé aux structures officielles chargées de l'identification et de la préservation des monuments historiques mais s'est parfois imposée à elles. Ce fut particulièrement le cas en Forez, après qu'il soit passé de la gloire apportée par L'Astrée d'Honoré d'Urfé (XVII^e-XVIII^e siècles) à l'oubli quand ce n'était pas à l'opprobre de la «ville noire» (XIX^e-XX^e siècles). Or, voilà que depuis quelques décennies ce territoire et ses habitants, longtemps «sans histoire» pour certains, non seulement découvrent leur passé mais le valorisent comme un patrimoine dont la richesse est désormais reconnue.

Cela étant, le propos de cet ouvrage n'est pas celui d'un inventaire ou d'un guide au sens traditionnel du terme, mais plutôt celui d'une sorte de manuel du processus de «patrimonialisation». C'est la raison pour laquelle, après avoir consacré le premier chapitre au concept lui-même de patrimoine et à ce qui le différencie si nettement de celui de monument historique qu'il englobe néanmoins, les suivants abordent les conditions dans lesquelles est apparu et s'est développé ce qui est aujourd'hui perçu comme le patrimoine forézien. Produit autant des luttes sociales que des travaux des spécialistes, le patrimoine ne peut être figé dans une définition abstraite ni séparé d'une histoire et d'un lieu concret. Mais, et c'est peut-être en cela que ce concept est significatif de notre époque, il rattache les évolutions locales aux grandes mutations que connaît l'ensemble du monde occidental depuis plus de trois décennies. Le patrimoine participe, en effet, de la mondialisation mais on ne peut le comprendre que dans la diversité de ses interprétations locales.