Les essais des deux livres d'«explorations et inventions» explorent l'espace de notre pensée, de notre expérience ou de notre monde, indifféremment, parce que, dans la perspective adoptée, ils ne forment qu'un seul espace. Et pourtant, ce qui se révèle, ce n'est pas une grande étendue ouverte de tout côté, homogène, mais des lieux différents, des espaces divers, souvent sans autre communication entre eux qu'indirecte. Aussi faut-il plusieurs explorations, chacune impliquant une aventure distincte des autres. Par ailleurs l'explorateur n'y découvre pas des lieux qui l'attendaient là tout formés. Car ils dépendent du mouvement de l'exploration elle-même, et sont donc aussi des inventions; mais non pas des fantaisies, puisqu'ils se laissent redécouvrir lorsqu'on reprend les mêmes chemins.

Ce premier livre explore plus particulièrement les lieux philosophiques, c'est-à-dire ceux qui ne deviennent accessibles qu'à partir de l'expérience philosophique et ne se laissent pas même deviner au regard commun, quoiqu'ils ne soient pas séparés pourtant de l'expérience commune. On y voit l'activité philosophique sous diverses faces, comme jeu, comme fonction sociale, comme passage entre l'expertise et la réflexion dans la vie commune, comme art littéraire et calcul symbolique, comme oeuvre de collaboration ou comme lutte sur le terrain étrange de la tradition philosophique, comme critique incessante ou comme recherche d'éternité et insertion consciente dans l'histoire.