Les essais des deux livres d'«explorations et inventions» explorent l'espace de notre pensée, de notre expérience ou de notre monde, indifféremment, parce que, dans la perspective adoptée, ils ne forment qu'un seul espace. Et pourtant, ce qui se révèle, ce n'est pas une grande étendue ouverte de tout côté, homogène, mais des lieux différents, des espaces divers, souvent sans autre communication entre eux qu'indirecte. Aussi faut-il plusieurs explorations, chacune impliquant une aventure distincte des autres. Par ailleurs l'explorateur n'y découvre pas des lieux qui l'attendaient là tout formés. Car ils dépendent du mouvement de l'exploration elle-même, et sont donc aussi des inventions; mais non pas des fantaisies, puisqu'ils se laissent redécouvrir lorsqu'on reprend les mêmes chemins.

Ce second livre explore plus particulièrement les lieux communs, c'est-à-dire ceux dans lesquels, à quelque degré, notre vie commune se déroule. Et pourtant, souvent ils ne se présentent pas au regard qui les observe sous leur aspect familier, mais prennent des formes parfois très étranges. Ainsi, notre vie, qui semble partie d'un grand tout, se présente comme inéluctablement fragmentaire; et notre pensée, comme dénuée de pure raison et embarquée sur les vagues de l'imagination. Nous retrouvons pourtant nos problèmes quotidiens, de nos attitudes morales fondamentales, de notre rapport à l'économie, de notre conception de nos droits, de notre dépendance des médias et des masses, de nos illusions politiques et de nos difficultés à nous mouvoir dans les mondes de la fiction et de l'utopie.