L'administration des vocations
Enquête sur le traitement public du chômage artistique en France
2017
Luc Sigalo Santos
Vincent Dubois et Laurent Jeanpierre
Dalloz
SommaireV
AbréviationsVII
RemerciementsIX
PréfaceXI
Introduction générale1
I. Saisir empiriquement l'administration des vocations : objet et enquête
5
A. Le traitement public du chômage artistique : présentation de l'objet de la recherche6
B. Une analyse transversale de l'action publique. Itinéraire d'enquête, matériaux recueillis et démarche méthodologique14
1. Retour sur un itinéraire d'enquête de longue durée (2008-2014)14
2. Des données archivistiques et ethnographiques au service d'une analyse transversale de l'action publique21
II. Saisir les dilemmes de la différenciation sectorielle de l'action publique à partir d'un cas : problématisation et hypothèses de recherche
29
III. Organisation de la thèse
33
Chapitre 1. L'institutionnalisation chaotique d'une action publique hybride37
I. Le traitement du chômage artistique : un espace politico-bureaucratique évolutif et concurrentiel
38
A. De la promotion de l'emploi culturel à la lutte contre le chômage artistique. Retour sur l'appropriation d'un enjeu national38
1. Naissance d'une politique de l'emploi culturel et difficile collaboration avec L'ANPE39
2. Un partenariat redéfini par le conflit des intermittents du spectacle : le chômage (artistique) comme priorité43
a) La montée d'un conflit social au prisme de la « mission Damien E. » (années 1980)43
b) Une mise à l'agenda politique national sur le mode de la lutte contre l'exclusion (années 1990)45
B. Un enjeu territorial, source de conflit de compétence : l'ANPE et les conseils généraux face au chômage artistique49
1. Élitisme bureaucratique et segmentation institutionnelle à l'échelle locale49
2. Des partenariats locaux tributaires de réformes nationales55
a) Des partenariats locaux nationalement impulsés (années 1990-2000)55
b) Des partenariats locaux à l'épreuve des réformes nationales des politiques d'insertion (depuis 2008)58
II. Le social et la culture : la prise en charge des artistes assistés à l'épreuve des frontières sectorielles de l'action publique
63
A. De la légitimation de l'intersectorialité...64
1. Impliquer les acteurs culturels : une stratégie administrative pour suppléer l'action sociale (1989-2003)64
a) Métier : artiste. L'intersectorialité en vertu de l'atypicité des projets professionnels65
b) Des assistés qui débordent l'action sociale ? L'intersectorialité au nom de l'atypicité du profil socioculturel des usagers67
2. L'action sociale au chevet du secteur culturel : une logique d'affichage politique en usage depuis 200369
a) Une préoccupation conjoncturelle pour les partis de gauche. Les effets de la « crise » de l'intermittence de l'été 200370
b) Un soutien politique structurel ? Les artistes, clientèle électorale privilégiée de la gauche77
B. ... Aux conditions concrètes de sa mise en oeuvre quotidienne. Les limites du volontarisme politique dans l'action publique82
1. Le rôle décisif de l'organisation administrative territoriale82
a) Coopérer pour étendre son périmètre bureaucratique : le cas girondin83
b) Cloisonnement administratif et double compétence : le cas parisien87
2. Des employeurs culturels bien peu coopérants90
a) L'échec du « comité de suivi » du dispositif parisien90
b) Des pratiques d'emploi peu scrupuleuses ?92
3. « La pesanteur et la grâce », ou la hiérarchie symbolique de l'action publique94
a) Une action publique culturelle élitiste ?95
b) Les artistes allocataires du RSA sont-ils de vrais artistes ?96
Chapitre 2. Ce que la bureaucratie fait au marché, et vice-versa101
I. L'intervention publique sur les marchés privés du travail artistique
102
A. L'encadrement bureaucratique du placement payant102
1. Un encadrement tardif103
2. L'implication ambivalente de l'ANPE106
a) De la moralisation du placement payant...106
b) ... À l'endiguement de la concurrence109
B. Une intermédiation publique introuvable ? Quand la bureaucratie s'adapte au marché pour déjouer les pronostics111
1. D'une improbabilité statistique au rôle prépondérant du placement de figurants à Paris112
2. Adapter les outils d'intermédiation pour attirer les recruteurs118
a) Une localisation favorable, des locaux adéquats118
b) Un fichier de recrutement approprié122
3. Le faible crédit de l'ANPE dans le milieu des professions artistiques126
a) La place inconfortable de l'ANPE dans les salons artistiques126
b) « Le cinéma n'a jamais été un art social » : la réception mitigée d'un film initié par Pôle emploi129
II. Conquérir son autonomie bureaucratique par le marché : atout et limite d'un isomorphisme institutionnel
133
A. S'appuyer sur un environnement spécialisé pour conquérir des marges de manoeuvre institutionnelle134
1. « Je t'aime, moi non plus » : la relation ambivalente de l'ANPE aux syndicats du spectacle134
a) Accroître son autonomie bureaucratique en s'appuyant sur les syndicats : le premier projet de création d'un réseau spectacle au sein de l'ANPE135
b) Le projet avorté de commission paritaire nationale spectacle auprès de l'ANPE, ou comment tenir les syndicats à bonne distance138
2. Mettre à profit des ressources sectorielles pour subvenir sa hiérarchie140
a) Développer son entregent141
b) Faire valoir la spécificité des logiques de recrutement d'un secteur d'activité145
3. Une agence « borderline », à la frontière des mondes de l'art et de l'administration149
a) La spécialisation des agents, génératrice de pratiques bureaucratiques dérogatoires149
b) Une agence contestataire153
B. Des oppositions institutionnelles qui contrarient l'autonomie bureaucratique, et mènent à la déspécialisation sectorielle157
1. La (dé)spécialisation sectorielle : un enjeu territorial au sein de l'ANPE158
a) La spécialisation, tributaire du marché de l'emploi local158
b) Des conflits de compétence hiérarchique structurants160
2. Favoriser ou limiter l'accès au régime de l'intermittence du spectacle ? L'opposition structurante ANPE-Assedic164
a) 1971-2008 : un consensus fragile entre deux institutions liées, mais indépendantes165
b) Le passage à Pôle emploi fin 2008, révélateur de deux visions antagonistes168
Chapitre 3. Se spécialiser tout en demeurant généraliste, ou comment tenir son rôle. Le rapport ambivalent des street-level bureaucrats aux artistes175
I. Côtoyer des artistes : une façon d'ennoblir son rôle bureaucratique
176
A. Un moyen de valoriser son identité d'agent administratif177
1. Un public valorisant177
a) « Une agence de professionnels au service des professionnels » : sélectivité bureaucratique et valorisation en miroir177
b) « Pas que des anonymes » : comment la réputation artistique rejaillit sur l'administration180
2. Des tâches gratifiantes183
a) Au sein de l'agence : l'esthétisation du travail administratif183
b) Sortir du bureau pour aller au spectacle : un avantage en nature ?185
B. Une opportunité d'établir un lien avec sa vie personnelle188
1. Une appétence personnelle différenciée pour la culture189
a) Des street-level bureaucrats socialement enclins aux sorties et pratiques culturelles189
b) Un rapport parfois intime des agents au secteur artistique192
2. Le temps des agents doubles : quand des street-level bureaucrats se font artistes, et vice-versa195
a) Comment des agents d'insertion (re)deviennent-ils artistes ?195
b) « Exutoire », « militantisme » ? La transfiguration artistique du quotidien professionnel, entre thérapie et contestation198
C. Une échappatoire à la paupérisation des usagers et à la dégradation des conditions de travail202
1. Éviter les usagers à problèmes pour réduire la distance socioculturelle202
2. Un travail « plus cool » ? Usagers « sans demande » et marges de manoeuvre organisationnelle207
II. Faire face aux artistes. Quand les usagers confrontent les street-level bureaucrats à leurs limites
210
A. Comment les artistes prennent le dessus sur les agents d'insertion211
1. Une injonction contraignante à l'acquisition d'une compétence sectorielle211
a) Des artistes qui mystifient les bureaucrates ?212
b) Connaître le fonctionnement du secteur artistique : une nécessité pour faire face à des usagers « exigeants »214
c) Une compétence sectorielle à l'utilité limitée : l'impuissance à placer les usagers217
2. L'effet boomerang de la proximité socioculturelle avec les usagers219
a) « Ils nous prennent de haut ! » Des agents d'insertion aux prises avec des usagers culturellement bien dotés219
b) Etre ou ne pas être « du milieu » : spécialisation bureaucratique et rappel des frontières professionnelles222
c) Une proximité excessive avec les usagers ? Effacement de la frontière privé/professionnel et précarité en miroir225
B. Comment les agents d'insertion s'efforcent de contenir l'inversion de l'ordre hiérarchique227
1. Réaffirmer sa mission de lutte contre la précarité pour reconquérir son « utilité »228
a) Le retour du social : les artistes, des privilégiés par rapport aux autres précaires ?228
b) S'opposer aux pratiques peu scrupuleuses d'employeurs du spectacle230
2. Prévenir les débordements de rôle : l'agent artistique, modèle et repoussoir233
a) Similarité des tâches et (re)valorisation professionnelle : les fondements d'une comparaison234
b) Neutralité bureaucratique et déficit de légitimité : les raisons d'une mise à distance237
3. Composer avec le fonctionnement du secteur artistique : vertus et limites la délégation du jugement bureaucratique239
a) Déléguer l'évaluation des projets artistiques à des prestataires spécialisés : pour quoi faire ?240
b) Une délégation d'expertise source de concurrence242
Chapitre 4. Des artistes aux prises avec l'État social actif : faire valoir sa singularité en contexte bureaucratique249
I. Compenser le stigmate de l'assistance : enjeux et limites de la différenciation statutaire
250
A. Des artistes stigmatisés ?251
1. Une représentation stigmatisante des chômeurs et assistés sociaux...252
2. ... Source d'une représentation de soi dégradée254
B. Des artistes privilégiés par rapport aux autres assistés ?257
1. Un niveau de diplôme et une origine sociale plus élevés, source de dissonance258
2. Des artistes davantage soutenus par leur entourage : l'aide décisive au logement260
a) Une opportunité de se consacrer à son activité artistique260
b) Une aide assortie de contreparties263
3. Une solitude professionnelle partagée avec les autres allocataires ?265
C. « Dans le milieu artistique, on est tous fauchés » : une précarité sectorielle banalisée, mais collectivement refoulée267
1. Le recours fréquent aux aides sociales, ou comment relativiser sa condition d'artiste assisté268
2. Quand la reconnaissance professionnelle et la pauvreté s'entrechoquent : aléa conjoncturel et décalage structurel271
a) Les aléas de la « vie d'artiste » : des situations conjoncturelles272
b) Un décalage structurel : l'effet Cendrillon274
II. Revendiquer un traitement administratif spécifique en contestant l'action publique
276
A. Une politique sociale en guise de politique culturelle276
1. Etre au RSA tout en restant artiste : revendication d'un statut alternatif et réappropriation culturelle d'un statut social277
2. Une politique culturelle locale élitiste, génératrice de précarité280
3. Une aide sociale mal ajustée aux conditions de rémunération du travail artistique283
B. Standardisation du traitement bureaucratique et personnalisation du rapport aux streel-level bureaucrats287
1. Une prise en charge jugée inefficace et inadaptée287
a) « A quoi vous servez ? » La fonction de placement de Pôle emploi mise en question par les usagers287
b) « Je rêve d'éclater un type des Assedic » : l'indemnisation, point de cristallisation des conflits entre les intermittents et Pôle emploi289
c) Des prestations de recherche d'emploi inadaptées aux travailleurs artistiques291
2. Un rapport ambivalent aux street-level bureaucrats : de l'accusation d'incompétence à la nécessité de sensibiliser à sa cause293
C. La prise en charge spécialisée : une aide contraignante297
1. Un suivi en forme de contrôle298
2. « Un réseau de malheureux » : une déplaisante objectivation de l'insuccès professionnel304
Chapitre 5. La régulation bureaucratique des vocations : encouragement et découragement aux métiers artistiques309
I. « Faut que vous appreniez à vous vendre ! » : une exhortation à la managérialisation de soi
310
A. « Faire du réseau » : un objectif ambivalent entre sociabilité professionnelle et resocialisation311
1. « Restez connectés » : la sociabilité professionnelle comme mode d'accès à l'emploi311
2. La sociabilité professionnelle au service d'une resocialisation316
B. Apprendre à « être pro » : une stratégie de présentation de soi320
1. La revendication de la qualité de « professionnel » : une prophétie autoréalisatrice ?320
2. Apprendre à être efficient : la présentation synthétique de soi323
3. Faire de la communication une dimension constitutive du travail (artistique) : une stratégie de désingularisation326
C. La rémunération, pierre de touche de l'identité professionnelle328
1. La disqualification du travail bénévole329
2. Le juste prix : pourquoi et comment (ré)évaluer le prix de son travail ?331
3. Le travail dissimulé, source de déprofessionnalisation ? De l'empathie à la mise en garde335
II. « Boulots alimentaires » et « compromis » : ce que la diversification professionnelle veut dire
337
A. Comment inciter à la diversification ? Deux registres de légitimation338
1. Une nécessité liée au secteur d'activité ? D'une injonction générale à une « politique des situations »338
2. Un impératif politico-moral d'autonomie vis-à-vis de l'État342
B. La diversification en pratiques : entre résistances et accommodements346
1. Une entrave au travail artistique346
2. Formes de la diversification professionnelle et enjeux de légitimité350
3. Le rôle protecteur des street-level bureaucrats et ses limites353
III. « Faire le deuil » de sa vocation : enjeux et limites de l'incitation bureaucratique à la reconversion professionnelle
356
A. Prescrire des réorientations professionnelles : un enjeu délicat, mais capital356
1. Un sujet « sensible »357
2. Un impératif général à l'épreuve de la diversité des situations361
B. Les modalités d'incitation au renoncement365
1. Une rhétorique du libre consentement365
2. La délimitation temporelle et sectorielle des horizons de reconversion367
Conclusion générale. Gouverner (par) les particularismes375
I. L'administration des choix individuels : pourquoi et comment l'action publique façonne les identités socio-professionnelles376
II. Les territoires professionnels de l'action publique : distinction statutaire, débordement de rôle et rappel des frontières379
III. Aux frontières de l'action publique : la différenciation sectorielle comme marginalisation institutionnelle383
Bibliographie385
Table des encadrés415
Table des graphiques417
Inventaire des matériaux419
I. Entretiens419
A. Prescription419
B. Décision419
C. Organisation420
D. Mise en oeuvre421
II. Observations425
A. Décision425
B. Organisation425
C. Mise en oeuvre426
III. Archives427
Annexes435
A1. Cadrage statistique de l'enquête « RSA artistes » du CEE435
A2. Lettre de mission de Damien E., signée du ministre des Affaires sociales, 20/09/83436
A3. « Vingt deux mesures pour améliorer les conditions de travail et d'emploi des professionnels intermittents du spectacle », M. Aubry et J. Lang, 10/02/93437
A4. Fréquence des interventions au Conseil de Paris (1996-2015) sur le thème « RMI artistes », selon l'orateur et son appartenance partisane438
A5. Discours intégral de Philippe Torreton, conseiller socialiste de Paris, sur la prise en charge des artistes allocataires du RSA (2009)438
A6. Distribution régionale des déclarations d'embauches et des offres récoltées par Pôle emploi auprès des entreprises du spectacle en 2009440
A7. Évolution du volume d'offres enregistrées par Pôle emploi dans les métiers du spectacle (1996-2010)442
A8. Évolution de la part des offres spectacle dans l'ensemble des offres enregistrées par Pôle emploi (1996-2010)442
A9. Distribution géographique des offres et placements de Pôle emploi dans les métiers du spectacle en 2009443
A10. Évolution du volume d'offres enregistrées par Pôle emploi, selon la durée du contrat444
A11. Évolution du volume total de déclarations d'embauche, £ selon le type et la durée de contrat444
A12. Liste des manifestations spécialisées auxquelles participe le réseau francilien ANPE spectacle (2008)445
A13. La division infrasectorielle du travail entre les deux agences ANPE spectacle de Paris (2008)446
A14. Le réseau placement de Pôle emploi spectacle (2012)447
A15. Bienvenue chez Popole (2012) : une pièce de Kader Nemer, comédien et conseiller Pôle emploi448
A16. Après que le Département de Paris a décidé de suspendre son RSA, un plasticien conteste (2010)450
Index des notions453