La couleur des idées

La prostitution n'est pas aisée à définir. Dans le tri entre échanges économico-sexuels légaux et illégaux, la police joue un rôle déterminant. Quel événement déclenche l'intervention policière ? Qui passe à travers les mailles du filet ? Ces opérations de qualification s'inscrivent dans une institution et son histoire, celle d'une police des moeurs historiquement chargée de la surveillance de tous les « déviants sexuels » : prostitués, homosexuels, exhibitionnistes, « libertins » ou conjoints adultères.

Cet ouvrage ouvre les dossiers et archives de la « Mondaine » et propose une immersion de plusieurs mois dans les brigades spécialisées. L'autrice suit les policiers en civil dans leurs filatures, planques, interrogatoires, entrevues avec les indic, interpellations, mais aussi pendant les temps morts de l'enquête. Elle constate les bouleversements à l'oeuvre (explosion de la prostitution étrangère, usage accru d'Internet, recrudescence de la prostitution masculine et transgenre) qui obligent les policiers à rompre avec leurs routines. Elle note aussi que l'indétermination des délits laisse libre cours aux interprétations des agents : une même personne peut être envisagée à la fois comme une victime de proxénétisme ou de traite et comme coupable de racolage. Face à ces dilemmes pratiques, chargés de donner réalité à l'abolitionnisme qui guide la politique pénale, les policiers font des arbitrages, entre compassion et répression. Représentants de l'État et dépositaires d'un pouvoir juridique, ils sont, dès lors, des agents de l'ordre social et sexuel.