Georges Frédéric Haendel (1685-1759) est un cas unique dans l'histoire de la musique : à des années-lumière des génies méconnus, souffrants ou désargentés, cette force de la nature vola de triomphes en triomphes, mourut à 74 ans couvert de gloire en laissant une fortune considérable à ses héritiers.

Mais il y a plus surprenant encore : dès sa disparition et alors qu'une statue de lui se dressait déjà à Londres, les trois quarts de son oeuvre tombèrent dans un oubli total qui ne prendra partiellement fin qu'après 1920. Ce qui à première vue est inexplicable : l'éclipse que Bach et Vivaldi connurent eux aussi après leur mort concerna la totalité de leur production respective - le nom même de Vivaldi ayant disparu des mémoires jusqu'au début du XX^e siècle.

Qu'est-il donc arrivé à la musique de Haendel ? Elle fut victime d'un impitoyable tri sélectif et d'une double appropriation : l'Église anglicane la réduisit à un tout petit nombre d'oratorios bibliques et la Monarchie Britannique à ses oeuvres patriotiques et officielles - deux genres qui se recoupent souvent. La riche musique instrumentale de Georges Frédéric, ses 100 cantates profanes et surtout ses 42 opéras italiens, qui furent sa véritable raison de vivre, passèrent ainsi à la trappe. Enterré, le Haendel épicurien et passionné dont les concerti et les arias aujourd'hui nous enchantent - quand ils ne nous tirent pas des larmes. Pire encore : la confiscation par la Grande-Bretagne de ce compositeur pourtant né en Saxe a longtemps poussé la France, « l'ennemie héréditaire », à ne voir en lui qu'une perruque courtisane puis qu'un musicien pompeux et « commercial » - l'insulte suprême en un temps où Jean-Sébastien Bach, en revanche sous-estimé de son vivant, faisait un retour triomphal dans les programmations.

C'est donc le Haendel autoentrepreneur, sentimental, bon vivant que ce livre et sa copieuse bande-son, qui a plus que jamais tenu à sortir des sentiers battus, ont souhaité vous faire rencontrer.