Flaubert avait la certitude de construire, et d’avoir à construire, un art moderne, celui de la prose. Cela avec l’idée qu’il fallait donner à l’œuvre en prose un type nouveau d’intensité, et de complétude immédiate, face au lecteur. Non plus une voix narrative impérative, comme chez Balzac, non pas une « vision » souveraine comme chez Hugo, mais un attrait qui viendrait de l’œuvre elle-même, qui sortirait du rythme et du son des phrases, qui pourrait naître des silences eux-mêmes. L’écrivain, par le travail bien connu des réécritures, des ratures et de l’exercice sonore des phrases (le « gueuloir »), s’absorbe dans la prose pour que celle-ci devienne un monde et une voix qui seraient du « réel écrit ». L’analyse de la mise en place de la « vue de Rouen » dans Madame Bovary, à travers les brouillons, permet ici de préciser le type d’intensité que Flaubert cherche à donner à ce « réel écrit », en construisant une perspective à la fois picturale, sensible et mentale, et en donnant au « subjectivisme » de sa prose la capacité d’être offert « comme une peinture ».