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La météorite de L’Aigle (1803) : un étrange météore élucidé

dans Association française de la Revue de géographie historique

Auteur(s) : Vasak, Anouchka

  • Éditeur(s)
  • Date
    • 2024-05-17T02:00:00Z
  • Notes
    • Le rapport de Jean-Baptiste Biot, alors plus jeune membre de l’Académie des sciences, Relation d’un voyage fait dans le département de l’Orne, Pour constater la réalité d’un météore observé à L’Aigle le 6 floréal an 11, est un modèle en matière de démarche scientifique. A partir d’une véritable enquête de terrain, au terme d’un voyage de dix jours sur les lieux (7-16 messidor, 26 juin-5 juillet), dont l’objet est l’étrange « météore » tombé d’un « petit nuage noir » dans un ciel serein un beau jour de printemps (26 avril 1803), Biot démontre la nature extraterrestre des météorites. Les habitants de ce territoire de l’Orne précisément circonscrit et cartographié se sont presque tous présentés comme « témoins oculaires […] d’une épouvantable pluie de pierres […] lancée par le météore ». Le mot « météore », employé dans le rapport, jette en ce sens ses derniers feux : c’est que le phénomène de Laigle n’est pas un météore, mais une météorite. Quelques années plus tard, le mot « météorite » se singularisera dans le sens actuel de « pierre extraterrestre trouvée à la surface terrestre ». Les témoignages visuels et sonores des habitants, paysans pour la plupart, font alors état d’un « météore » parti d’un petit nuage noir crépitant. Domine la croyance en un phénomène météorologique exceptionnel et effrayant. Jusque là, les « pluies de pierres » relevaient de la catégorie des « météores prodigieux », au même titre que les pluies de crapauds ou de sang. Si l’Encyclopédie de Diderot, à l’article « Météore », prend ses distances avec le discours du merveilleux en supposant une cause naturelle à certains de ces phénomènes, il faudra attendre le rapport de Biot pour que soit formellement affirmée la réalité de ces « masses minérales » arrivées « du dehors de notre atmosphère », comme le supposa dès 1794 le grand physicien allemand Chladni, se heurtant à l’incrédulité de la communauté savante. On s’efforcera de montrer comment le rapport de Biot, mettant fin, sur le plan scientifique, à certaines croyances et superstitions que le mot « météore » a longtemps charriées, a contribué à démarquer la météorologie de l’astronomie ; il a également permis d’opérer une « distinction » (Matthieu Gounelle) entre prodige et objet de connaissance. C’est grâce à une démarche nourrie par la philosophie sensualiste qui le conduit à prendre en considération les témoignages des sens, au plus proche aussi de la réalité sociale des campagnes françaises, que Biot parvient à élucider un objet jusqu’alors perçu comme sacré. Peu après, étape suivante du processus, l’objet désormais scientifique qu’est la météorite entrera dans les musées : cette « capture » reviendra à séparer finalement le monde des choses et celui des hommes. Mais cette séparation que la science du XIXe siècle pense nécessaire ne relève-t-elle pas d’une nouvelle croyance ?
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